Le temps de l’annonce
« L’épreuve » : le terme exprime bien la complexité et la difficulté de faire face à cette maladie. Car le mot cancer fait encore peur. Le Pr Maurice Schneider, président du comité 06 de la Ligue contre le cancer et ancien cancérologue peut en témoigner : « Avant, on [les médecins, Ndlr] ne prononçait même pas ce mot. On utilisait des périphrases, on disait à une femme qu’elle avait une boule dans le sein mais qu’on allait la soigner… On voulait protéger les patients. Aujourd’hui, on dit les choses franchement. Et c’est mieux. » Mais il concède humblement : « En réalité, et après 40 ans de cancérologie, je ne sais toujours pas comment il faut annoncer un diagnostic de cancer à un patient. » Le Pr Emmanuel Barranger, directeur général du Centre Antoine-Lacassagne (CAL), complète : « L’annonce est aussi un temps difficile pour le médecin ; mais il ne doit pas garder trop de distance. En étant attentif au patient, on peut agir de façon adaptée. » Les patients, présents ce jourlà, ont confirmé l’importance d’établir une relation de confiance avec les soignants dans ce moment difficile. «Le malade garde toute sa vie le souvenir de ce qui s’est joué au cours de l’annonce », relève le Pr Schneider, approuvé par Emmanuel Jammes, délégué mission société et politiques de santé à la Ligue, qui a participé à l’étude. « Ce moment conditionne la suite du parcours de soins. C’est l’élément le plus déterminant. » Et sur lequel il y a le plus d’efforts à faire. Malgré les mesures prises dans le cadre des Plans cancer successifs, des erreurs sont encore commises. Des patients en témoignent. À l’instar de Malika, qui a appris sa récidive en voyant s’afficher une notification sur son smartphone lui indiquant un rendezvous pour une chimiothérapie. Ou Audrey, à laquelle un chirurgien n’a accordé qu’une minute entre deux interventions pour lui parler des traitements qui l’attendaient… « Il y a plusieurs temps d’annonce : le diagnostic, les traitements, éventuellement la rechute. À chaque fois, il faut être vigilant. Ce qu’il s’est passé dans ces deux cas n’est pas normal », assène le Pr Jean-Marc Ferrero, chef du département d’oncologie médicale au CAL. Applaudi par les patients, le « temps soignant » prévu dans le dispositif d’annonce n’est malheureusement pas toujours proposé. Infirmière de coordination au CAL, Frédérique Marin joue ce rôle. Et elle pointe tout son intérêt : « Nous sommes là pour reprendre avec le patient les éléments donnés par le médecin, qui n’ont pas toujours été compris, mais aussi pour l’accompagner dans la suite de son parcours lorsqu’il en
a besoin. »