Pompiers : « Les gens nous attendent comme le messie »
L’image est insolite. Elle prêterait à sourire, si la toile de fond n’était pas aussi dramatique. On y voit quatre sapeurspompiers plongeurs évacuer un sinistré à bord d’un… container poubelle. Refuge précaire, reflet de l’urgence qui a rythmé les opérations de secours, ce dimanche, sur une Côte d’Azur à nouveau les pieds dans l’eau.
210 interventions, 76 mises en sécurité, 55 mises à l’abri et un hélisauvetage, pour quatre blessés légers : les sapeurs-pompiers du Sdis 06 étaient encore sur tous les fronts. En particulier ceux du Groupe inondations-sauvetages (GIS), qui réunit une centaine de plongeurs et de spécialistes des milieux périlleux. « Nous sommes rentrés à notre base vers 1 heures du matin, avec une mobilisation depuis 7 heures. Mais nous avons été activés vers 1718 heures », témoigne l’adjudant-chef Laurent Rogue.
Cette seconde alerte rouge en huit jours « a été très bien anticipée par le Sdis 06 », estime ce Niçois de 47 ans, conseiller technique de plongée du Sdis, affecté au centre de secours de la Tour rouge à Nice. Dimanche, sitôt l’alerte donnée, des secours terrestres, aériens et nautiques sont déployés sur les secteurs stratégiques. « Pour intervenir au plus vite et au plus près de la population. »
« Des voitures flottaient comme des bouts de bois »
Vêtus de combinaisons néoprène, gilets et casques, les plongeurs sont sur le qui-vive à Cagnes-sur-Mer. Mais l’urgence les rappelle à Cannes-la Bocca et Mandelieu. « La situation était critique », selon Laurent Rogue. Lui-même se dit surpris par « la rapidité avec laquelle montaient les eaux. C’était impressionnant ! À Mandelieu, derrière la mairie, des voitures nous passaient devant, flottant comme de vulgaires bouts de bois. Ça, c’est dangereux pour nous… » Derrière la pluie, les cris et le vacarme des rotors du Dragon 06, le danger peut survenir à tout instant. Silencieux. Sournois. Les secours doivent alors compter sur leur expérience, l’attention de leurs camarades et l’appui d’une équipe de secours. Préserver leur sécurité, pour mieux assurer celle des autres.
« Ce crash, ça aurait pu être notre hélico… »
Avec ses collègues, Laurent Rogue a « participé à des mises en sécurité de personnes réfugiées sur le toit de leur véhicule ». Ces citoyens se sont-ils euxmêmes mis à la faute ? Qu’importe à ses yeux : il faut secourir, point. Mais tous ont ceci en commun : « Les gens nous attendent comme le messie ! »
Cette reconnaissance, Laurent Rogue la savoure. Juste retour pour l’« engagement total » des sapeurs-pompiers. Las, cette abnégation a coûté la vie de trois secouristes, dans les Bouches-duRhône. Et l’onde de choc fait frissonner la Côte d’Azur. Car « la famille » est endeuillée, soupire Laurent. « C’est dramatique. J’ai déjà fait des sauvetages en hélico : ça peut arriver à tout le monde. »
« Cela s’apparente à de la médecine de catastrophe »
« Il y a une vraie émotion », acquiesce le lieutenant-colonel Michaël Boué, infirmier-chef du Sdis 06. Ce crash d’un Dragon « fait écho aux missions menées par nos collègues, tant ce week-end que la semaine précédente. On se dit : “M..., ça aurait pu être notre hélico !” » Michaël était lui aussi sur le pont. Mais avec une autre mission. Il a coordonné les moyens sanitaires et médicaux du Sdis, en lien avec le Samu, avec quatre médecins et sept infirmiers mobilisés « tant sur les intempéries que sur des missions classiques ». Objectif : porter assistance aux pompiers en intervention. Mais aussi, bien sûr, aux victimes. Comme à Pégomas, après la coulée de boue sur l’Unité de diététique (voir en pages suivantes).
« Compte tenu des hauteurs d’eau, le 4x4 Duster infirmier ne pouvait pas se déplacer. Il a fallu charger tout le matériel infirmier à bord d’un camion “feux de forêt” à Cannes-La Bocca », relate Michaël Boué. Infirmière et conducteur ont ainsi pu évacuer quatre blessés légers vers l’hôpital de Cannes.
Des soirs comme ce 1er décembre, les secours médicaux doivent agir dans « des conditions particulières. Cela s’apparente à de la médecine de catastrophe. Ça renvoie très clairement à 2015. »