Monaco-Matin

« On l’a vu marcher, nager, disparaîtr­e »

Propriétai­re d’une écurie à Fréjus, Kai Duprez est mort en voulant sauver ses chevaux. Il disparait sous les yeux de sa future épouse. Leur mariage était prévu au mois d’août

- V. G. vgeorges@nicematin.fr

Sa passion des chevaux lui a coûté la vie. Kai Duprez, ancien driver et propriétai­re d’une écurie à Fréjus, a disparu, sous les yeux de Delphine Orval, qu’il devait épouser en août prochain.

Avec sang-froid, la jeune femme de 33 ans, qui l’aidait à faire tourner l’écurie où il hébergeait 24 chevaux en pension, raconte le déroulé de ce funeste dimanche : « Vers 18 heures, il est allé voir les fossés et le Gonfaron, un ruisseau qui coule à côté. Il y avait de l’eau mais tout allait bien. Il a mis la motopompe en marche. Puis vers 19 h 30, mes chiens ont beaucoup aboyé. Ce n’était pas normal. J’ai ouvert la porte de la maison, énormément d’eau passait devant, dans le sens inverse de la façon dont elle coule d’habitude. J’ai appelé Kai. Il a vu que la digue qui sépare l’écurie du Gonfaron avait cédé ».

« On a crié, il ne répondait pas »

Le jeune homme, de nationalit­é allemande, a conduit leurs véhicules en haut du chemin, pendant qu’elle surélevait tout ce qu’elle pouvait sur les meubles. Mais en quelques minutes, le niveau est monté dans la maison. « J’ai libéré mes chiens du chenil, les chevaux avaient de l’eau au poitrail, j’en ai attaché un en hauteur, poursuit Delphine Orval. Kai a voulu libérer les vieux chevaux en retraite que nous gardons. Avec Sabrina, ma prof d’équitation, qui habite juste un peu plus haut, on lui a dit de ne pas risquer sa vie. Mais il ne nous a pas entendues. On l’a vu marcher, puis nager et disparaîtr­e. On a crié, on l’a appelé, il ne répondait pas », confie-t-elle, avant de reprendre son récit. « Il faisait nuit noire, on a appelé les sapeurs pompiers. Un hélico a survolé la zone avec des lumières puissantes, le bateau des pompiers n’a pu être mis à l’eau car le courant était trop fort ».

Vers 23 h 30, le niveau a baissé et les secouriste­s ont fini par retrouver le corps du malheureux. A 100 mètres de là, où il avait été vu pour la dernière fois.

Ce lundi matin, Delphine Orval, qui n’a pas fermé l’oeil de la nuit, répond aux incessants appels téléphoniq­ues des propriétai­res de chevaux et autres centres équestres qui viennent prendre des nouvelles et/ou lui proposer de l’aide.

« En une de seconde ma vie a basculé »

Elle essaye de gérer le placement des animaux, mais elle accuse le coup : « Je réalise sans réaliser, souffle-t-elle. En une fraction de seconde, ma vie a basculé. Il n’est plus là. On devait se marier au mois d’août ». En novembre, le couple avait déposé son dossier de mariage à la mairie, et réglé un certain nombre de dépenses liées à l’événement.

« Comment vais-je faire ? » s’inquiète Delphine Orval, désespérée. Caissière dans une grande surface de Puget-sur-Argens, elle ne sait pas ce qu’elle va devenir. L’écurie du nom de Kai Duprez était l’entreprise de son défunt compagnon. Il était locataire du terrain. « Le propriétai­re étant décédé (1) nous avions le projet de l’acheter à ses héritiers. Comment vais-je assumer toute seule, comment faire pour toutes les démarches ? »

Elle se fait également du souci pour les animaux «je ne pense pas pouvoir les garder », regrettet-elle, le regard perdu devant le spectacle de l’écurie ravagée. Le couple avait une ponette et six chevaux, il n’en reste que cinq, l’ancien cheval de course de Kai Duprez étant mort dans l’inondation.

Si elle peut compter sur le soutien de leurs proches du milieu équestre dans cette douloureus­e épreuve, il lui faudra encore bien du courage pour surmonter la perte de son amoureux.

 ?? (Photos Philippe Arnassan) ?? Delphine Orval a perdu l’homme qu’elle aimait. Avant de disparaîtr­e dans les flots, il a réussi à sauver la majorité des chevaux, leur passion commune. Ils devaient se marier au mois d’août.
(Photos Philippe Arnassan) Delphine Orval a perdu l’homme qu’elle aimait. Avant de disparaîtr­e dans les flots, il a réussi à sauver la majorité des chevaux, leur passion commune. Ils devaient se marier au mois d’août.

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