Monaco-Matin

Lutte contre la fraude fiscale : la France n’est pas au niveau, dénonce la Cour des comptes

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Les pouvoirs publics ne luttent pas efficaceme­nt contre la fraude fiscale et ne sont même pas capables d’évaluer les montants soustraits au fisc, dénonce un rapport de la Cour des comptes paru hier, tandis que le gouverneme­nt défend son bilan.

« En dépit de progrès substantie­ls réalisés au cours de la dernière décennie en matière d’outils, les résultats de la lutte contre la fraude fiscale s’inscrivent dans une tendance à la baisse », constate la Cour.

Un constat d’échec

L’institutio­n de la rue Cambon avait été missionnée à l’issue du grand débat national par le Premier ministre, notamment pour réaliser un chiffrage de la fraude, sujet à controvers­es, alors que le mouvement des « gilets jaunes » réclamait plus de justice fiscale. Dans son rapport, qui traite des impôts et des cotisation­s sociales, la Cour fait un constat d’échec. Elle n’a pas pu produire une évaluation globale de la fraude, que le syndicat Solidaires finances publiques, souvent cité sur le sujet, estime à environ 80 milliards d’euros par an. Notamment parce qu’en France, contrairem­ent à de nombreux autres pays, l’administra­tion fiscale « n’a jamais produit de travaux en la matière », a regretté le premier président de la Cour, Didier Migaud, lors d’une conférence de presse.

Le bilan est un peu meilleur pour la fraude aux cotisation­s sociales, que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a estimée entre 7 et 8,5 milliards d’euros en 2018 – un chiffre sous-évalué selon la Cour. Ilya « une certaine urgence » à mieux évaluer la fraude, prévient-elle, évoquant un phénomène « complexe » en constante évolution, avec l’essor de l’e-commerce qui facilite les fraudes à la TVA, l’internatio­nalisation des échanges ou les nouvelles formes de travail. Les autres grandes économies mondiales sont plus avancées sur le sujet, note-t-elle encore. « Sans estimation du phénomène, il est difficile de mettre en place une stratégie robuste de lutte contre la fraude », a souligné Didier Migaud. La Cour propose une méthodolog­ie pour aboutir à un meilleur chiffrage. Elle a commencé à l’appliquer à la fraude à la TVA, qui représente­rait environ 15 milliards d’euros par an, soit environ 8 % des recettes de cette taxe, même si ce résultat doit être affiné. En outre la lutte contre la fraude aux prélèvemen­ts obligatoir­es perd en efficacité, à rebours de ce qui se passe à l’étranger, pointe la Cour.

La riposte de Matignon

Les irrégulari­tés notifiées sont ainsi passées à 16,2 milliards en 2018 contre 18 milliards d’euros en 2013, pour un recouvreme­nt passé de 10,1 milliards d’euros à 8,7 milliards.

Le nombre de condamnati­ons judiciaire­s a été lui presque divisé par deux en dix ans.

En réponse, Matignon met en avant les chiffres provisoire­s pour 2019, avec 5,6 milliards d’euros recouvrés sur les neuf premiers mois, contre 4 milliards l’an dernier sur la même période.

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