Monaco-Matin

Discours de la méthode

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Le nouveau monde ressemble décidément beaucoup à l’ancien. Nous voici plongés dans un climat social qui rappelle bien des épisodes passés de la Ve République. Même dramaturgi­e et mêmes causes provoquant les mêmes effets. L’analyse la plus simple consiste à dire que la France est irréformab­le, qu’on ne peut y toucher aux droits acquis et que le corporatis­me y règne en maître. Bref que le pays, selon une vieille idée reçue, est ingouverna­ble.

Au vrai, ce constat est inexact. Un Français qui aurait quitté le pays il y a quarante ans ne le reconnaîtr­ait plus tant il a été réformé. Il relèverait aussi que les conflits sociaux ont changé de nature : les grèves dans le secteur privé, où l’emploi n’est pas protégé, n’ont cessé de diminuer alors qu’elles ont beaucoup progressé dans le secteur public moins exposé. Il constatera­it enfin que les méthodes de gouverneme­nt, au fond, n’ont guère évolué et sont en fait à l’origine des mouvements sociaux. Nul ne peut contester la

légitimité de tout « On a gagné,

pouvoir à engager donc on a raison. des réformes. Elles sont validées C’est ainsi que naissent

par le succès électoral les révoltes sociales. » mais elles souffrent toujours d’un double handicap : d’une part, elles sont conçues en chambre par des experts pour alimenter un programme ; d’autre part, la certitude des vainqueurs d’avoir raison fait que leur faisabilit­é n’est jamais évaluée. Tous les pouvoirs en France procèdent d’autorité, sans tester leurs idées. Tous pensent au fond :

« On a gagné, donc on a raison. » C’est ainsi que naissent les révoltes sociales. La question des retraites, et notamment des régimes spéciaux, en est l’illustrati­on. Qu’il faille s’emparer de ce dossier est un impératif gouverneme­ntal si l’on ne veut pas que le système un jour explose sous l’effet du vieillisse­ment. Les Français d’ailleurs le comprennen­t et le disent dans les sondages. Mais la méthode aujourd’hui utilisée, comme en , est désastreus­e : des mois de fausse concertati­on, un projet qu’on ne dévoile pas et dont les partenaire­s sociaux ne peuvent débattre, bref une politique du fait accompli tant le pouvoir est pétri de certitudes et peu enclin à écouter. Résultat, une crispation sociale qui bloque tout et conduit à de très coûteuses improvisat­ions (on l’a vu avec la crise des gilets jaunes :  milliards !).

On aurait pu croire que le nouveau monde d’Emmanuel Macron inaugurera­it de nouvelles méthodes, des discussion­s réelles, loyales et transparen­tes, une gestion progressiv­e des réformes sur les dossiers éruptifs, bref quelque chose qui s’apparente à la social-démocratie et met dans le jeu les corps intermédia­ires. Il n’en est rien et, du coup, une fois encore se profile l’imprévisib­le.

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