Drame au péage : le chauffeur et le transporteur condamnés
Un camion roumain en panne de freins avait défoncé le péage de Saint-Isidore à Nice en octobre 2015. Un Vencois avait été tué
Matthieu Dachez, restaurateur vençois, avait une femme et trois jeunes enfants. Il était arrêté au péage de Saint-Isidore, en provenance de Monaco, au guidon de sa moto, quand un camion fou l’a percuté à plus de 100 km/h. Le semi-remorque a ensuite pulvérisé la barrière de l’A8 et perdu une partie de son chargement, des voitures destinées à être livrées à Toulouse et Madrid. Bilan : un mort, quatre blessés graves et une quinzaine d’automobilistes sous le choc.
Le juge d’instruction niçois est allé enquêter en Roumanie pour tenter de comprendre comment ce drame de la route était survenu. Les conclusions du magistrat, des gendarmes et des experts au sujet de la maintenance du poids lourd sont accablantes. Elles ont été largement reprises hier par Martine Auriol, présidente du tribunal correctionnel, lors du procès du routier et du transporteur impliqués dans cette tragédie.
Daniel, le chauffeur, a été condamné hier soir à un an de prison avec sursis et six mois de suspension de permis de conduire. Nicolaë, le transporteur, à 18 mois de prison dont un an avec sursis. Des peines correspondant aux réquisitions du procureur Joëlle Casanova. Les deux hommes, reconnus coupables d’homicide involontaire par manquement à une obligation de sécurité et de prudence avaient été en prison pendant quatre mois au début de l’enquête.
Des freins en fusion
Si, le 29 octobre 2015, vers 17 heures, un poids lourd s’est retrouvé hors de contrôle, ce n’est pas dû à la fatalité. «Les freins, notamment de la remorque, étaient complètement usés, en fusion », souligne la présidente. L’absence de freins entretenus sur la remorque a surchauffé les freins du tracteur. » Autre défaut majeur : « L’absence de boîte de vitesses avec ralentisseur hydraulique. » Nicolaë avait estimé cet équipement à 5000 euros trop coûteux.
Dans l’une des portions d’autoroutes les plus dangereuses en France en raison de sa déclivité, le camion est devenu une bombe roulante. « Les voyants d’alerte ne se sont pas allumés », affirme le routier, dix-huit ans de métier. L’expert judiciaire en doute. « Pourquoi ne pas avoir choisi d’aller dans un lit d’arrêt. Trois échappatoires sont réparties dans la descente ? » « Il y avait trop de circulation, le camion allait trop vite », répond le prévenu.
« N’était-ce pas parce que le dépannage coûtait 6000 euros », s’interroge la présidente ?
« Explosion atomique familiale »
Me Laurence Huertas, conseil de la famille Dachez, évoque « une explosion atomique familiale ». Elle compare les parties civiles aux « Hibakusha », survivants d’Hiroshima. « La justice ne les consolera pas mais ils veulent des réponses aux questions qui gangrènent leur vie tout entière .»
« Il y a trop de flou dans ce dossier », plaide en défense, Me Mihaela Cengher qui tente de dédouaner son client « bouc émissaire », faisant état du rapport du bureau accident du ministère des Transports. Quant à Me Cristina Vannier, elle conteste que Nicolaë soit le propriétaire du camion, estimant que l’enquête laisse « un sentiment d’insatisfaction ».
Sur le banc des parties civiles, toutes ces arguties paraissent dérisoires. La mère de Matthieu Dachez, le visage figé par le chagrin, résume l’affaire en une phrase : « Mes trois petits-enfants sont orphelins et ma belle-fille est seule, tout cela pour 5 000 euros économisés. »