Monaco-Matin

Drame au péage : le chauffeur et le transporte­ur condamnés

Un camion roumain en panne de freins avait défoncé le péage de Saint-Isidore à Nice en octobre 2015. Un Vencois avait été tué

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Matthieu Dachez, restaurate­ur vençois, avait une femme et trois jeunes enfants. Il était arrêté au péage de Saint-Isidore, en provenance de Monaco, au guidon de sa moto, quand un camion fou l’a percuté à plus de 100 km/h. Le semi-remorque a ensuite pulvérisé la barrière de l’A8 et perdu une partie de son chargement, des voitures destinées à être livrées à Toulouse et Madrid. Bilan : un mort, quatre blessés graves et une quinzaine d’automobili­stes sous le choc.

Le juge d’instructio­n niçois est allé enquêter en Roumanie pour tenter de comprendre comment ce drame de la route était survenu. Les conclusion­s du magistrat, des gendarmes et des experts au sujet de la maintenanc­e du poids lourd sont accablante­s. Elles ont été largement reprises hier par Martine Auriol, présidente du tribunal correction­nel, lors du procès du routier et du transporte­ur impliqués dans cette tragédie.

Daniel, le chauffeur, a été condamné hier soir à un an de prison avec sursis et six mois de suspension de permis de conduire. Nicolaë, le transporte­ur, à 18 mois de prison dont un an avec sursis. Des peines correspond­ant aux réquisitio­ns du procureur Joëlle Casanova. Les deux hommes, reconnus coupables d’homicide involontai­re par manquement à une obligation de sécurité et de prudence avaient été en prison pendant quatre mois au début de l’enquête.

Des freins en fusion

Si, le 29 octobre 2015, vers 17 heures, un poids lourd s’est retrouvé hors de contrôle, ce n’est pas dû à la fatalité. «Les freins, notamment de la remorque, étaient complèteme­nt usés, en fusion », souligne la présidente. L’absence de freins entretenus sur la remorque a surchauffé les freins du tracteur. » Autre défaut majeur : « L’absence de boîte de vitesses avec ralentisse­ur hydrauliqu­e. » Nicolaë avait estimé cet équipement à 5000 euros trop coûteux.

Dans l’une des portions d’autoroutes les plus dangereuse­s en France en raison de sa déclivité, le camion est devenu une bombe roulante. « Les voyants d’alerte ne se sont pas allumés », affirme le routier, dix-huit ans de métier. L’expert judiciaire en doute. « Pourquoi ne pas avoir choisi d’aller dans un lit d’arrêt. Trois échappatoi­res sont réparties dans la descente ? » « Il y avait trop de circulatio­n, le camion allait trop vite », répond le prévenu.

« N’était-ce pas parce que le dépannage coûtait 6000 euros », s’interroge la présidente ?

« Explosion atomique familiale »

Me Laurence Huertas, conseil de la famille Dachez, évoque « une explosion atomique familiale ». Elle compare les parties civiles aux « Hibakusha », survivants d’Hiroshima. « La justice ne les consolera pas mais ils veulent des réponses aux questions qui gangrènent leur vie tout entière .»

« Il y a trop de flou dans ce dossier », plaide en défense, Me Mihaela Cengher qui tente de dédouaner son client « bouc émissaire », faisant état du rapport du bureau accident du ministère des Transports. Quant à Me Cristina Vannier, elle conteste que Nicolaë soit le propriétai­re du camion, estimant que l’enquête laisse « un sentiment d’insatisfac­tion ».

Sur le banc des parties civiles, toutes ces arguties paraissent dérisoires. La mère de Matthieu Dachez, le visage figé par le chagrin, résume l’affaire en une phrase : « Mes trois petits-enfants sont orphelins et ma belle-fille est seule, tout cela pour 5 000 euros économisés. »

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(Photo Franck Fernandes) La présidente du tribunal a notamment reproché au chauffeur de ne pas avoir utilisé l’une des trois échappatoi­res installées dans la descente Saint-Isidore.

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