Monaco-Matin

En Marche à l’arrêt

- DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Habité par la certitude qu’il est le seul et unique maître à bord du navire La République En Marche (LREM), convaincu non sans raison que les députés de sa majorité n’auraient jamais été élus sans sa victoire à la présidenti­elle, Emmanuel Macron considère en fait ses troupes comme des godillots qui n’ont d’autre choix que d’approuver ses décisions et de le suivre aveuglémen­t. Certes, il leur concède quelques gestes d’intérêt mais, en réalité, toujours sûr de son fait, il avance sans eux. La réforme des retraites en est la preuve. Conçue à la hâte par de bons esprits sur une idée générale intéressan­te – l’instaurati­on d’un régime universel par points – ce projet n’a pas été sérieuseme­nt travaillé pendant une élection menée à la hussarde. Sa faisabilit­é n’a pas non plus été vérifiée avant de le lancer. Certes, un homme, JeanPaul Delevoye, fut désigné dès le début du quinquenna­t pour traiter le dossier mais il est aujourd’hui évident que cette longue concertati­on n’a été qu’un trompe-l’oeil. Le pouvoir s’est avéré incapable de soumettre, ou n’a pas voulu soumettre, un projet abouti aux partenaire­s sociaux. Résultat, la crise sociale dans laquelle le pays est désormais plongé et une radicalisa­tion qui risque de rendre inaudibles les propositio­ns que fera le Premier ministre ce mercredi. Le plus étonnant est de voir la méthode Macron, ou sa non-méthode, se retourner contre lui dans son propre camp. De toute évidence, un profond trouble s’est installé dans la majorité marcheuse qui a déjà vu  députés la quitter. Certes, avec  membres dans l’hémicycle, le parti macronien a encore une bonne marge majoritair­e de  sièges mais cette petite hémorragie (un départ par trimestre en moyenne depuis ) reflète le mal-être de ce groupe parlementa­ire qui ne comprend plus très bien la stratégie de son chef. Bref, un mal-être s’installe au coeur de la macronie.

Il n’est pas mortel mais il prive le gouverneme­nt d’un franc appui de députés déboussolé­s qui, comme bien des ministres, d’ailleurs, ne savent pas grandchose du projet qu’ils doivent défendre.

Un merveilleu­x aphorisme du grand écrivain autrichien Arthur Schnitzler s’applique parfaiteme­nt à cette situation : « Il y a trois sortes d’hommes politiques : ceux qui troublent l’eau ; ceux qui pêchent en eau trouble ; et ceux – les plus doués – qui troublent l’eau pour pêcher en eau trouble. » A l’évidence, le chef de l’Etat a voulu troubler l’eau de la réforme des retraites pour imposer son projet au nez et à la barbe de tous.

Mais elle est devenue si trouble que plus personne ne s’y retrouve à commencer par les siens.

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