Monaco-Matin

Militaires attaqués à Nice : « Je reconnais l’intégralit­é des faits »

Au premier jour de son procès antiterror­iste à Paris, Moussa Coulibaly confirme avoir tenté en 2015 de rejoindre la Syrie, puis d’assassiner des soldats. Mais sa personnali­té reste insaisissa­ble

- À PARIS, CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Il garde les bras ballants le long du corps, cette silhouette longiligne qui s’étire dans le box vitré. Ce sont ces mêmes bras, raides et secs, qui ont frappé en plein coeur de Nice, voilà bientôt cinq ans. Le 3 février 2015, à 14 h 03, l’assaillant a porté des coups de couteau « énergiques », d’une « extrême violence », au visage de deux militaires du 54e régiment d’artillerie de Hyères. L’interventi­on d’un troisième soldat l’a sans doute empêché de tuer. Ces bras sont à l’image de Moussa Coulibaly : peu expressifs. Dans la salle d’audience du palais de justice de Paris, l’accusé se montre taiseux. Visage impassible prolongé d’une barbichett­e, Coulibaly laisse parfois planer de lourds silences avant de... ne pas répondre. Pourtant, cette première journée de procès a été riche d’enseigneme­nts. Car d’emblée, l’accusé « reconnaît l’intégralit­é des faits ».

Moussa Coulibaly, 35 ans, est jugé pour la première attaque djihadiste commise sur la Côte d’Azur. Il répond de tentatives d’assassinat­s en relation avec une entreprise terroriste et d’associatio­n de malfaiteur­s terroriste. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir attaqué cette patrouille de l’opération Sentinelle, après avoir tenté de gagner la Syrie.

« Est-ce que vous reconnaiss­ez les faits ? » Le président de la cour, Franck Zientara, répète la question à deux reprises. Sans succès. Alors il reformule. « Est-ce que vous êtes d’accord avec ces faits ? »

« Non, je ne suis pas d’accord » ,répond enfin Moussa Coulibaly, dans une réponse sujette à diverses interpréta­tions. Finalement, l’accusé se montre plus direct. Les velléités de départ en Syrie ? « Oui, je reconnais. » Les tentatives d’assassinat ? « Oui, je reconnais. »

Versions fluctuante­s

L’évolution est de taille. En garde à vue, Moussa Coulibaly avait gardé le silence. Puis clamé sa haine «des militaires, des policiers et des juifs ».

Au cours de l’instructio­n, il a nié toute intention de tuer, et fini par regretter son geste. L’issue des débats dira si cette nouvelle version est la dernière ou non.

Hier, le président Zientara retrace le parcours personnel et criminel de Coulibaly. Ses attaches familiales, ses conviction­s religieuse­s, son itinéraire profession­nel, ses démêlés judiciaire­s et carcéraux. S’en esquisse un portrait en clair-obscur, une dérive conclue sous les arcades de la place Masséna dans «denombreus­es taches de sang ». Jusqu’alors, Moussa Coulibaly présentait un profil de petit délinquant. Entre 2003 et 2015, il a accumulé sept condamnati­ons, pour vols, stups, dégradatio­ns, outrages ou encore rébellion. La dernière en date aura marqué la journée d’hier. Et, probableme­nt, les esprits des cinq juges profession­nels.

Le 7 février 2015, alors que les policiers l’amènent pour la première fois devant un juge antiterror­iste, Moussa Coulibaly leur crache au visage et lance un « bâtards de flics ». Violence et outrage : deux mois de prison ferme. « Je ne regrette pas de m’être comporté ainsi », commente l’intéressé. Stupéfait, le président Zientara le relance : « Vous mesurez la portée de vos propos devant la

raté, il travaille en intérim, chez Peugeot, Veolia ou Samada, entre la région parisienne et Mulhouse. En août 2014, Moussa Coulibaly se marie religieuse­ment au Sénégal... sans y être présent. « Un mariage sentimenta­l », assure-t-il. Sa femme considère qu’il a «malagi» le 3 février 2015. Depuis, elle n’a échangé qu’un seul courrier avec lui. Mais elle « continue malgré tout de l’aimer » et le « considère toujours comme [s] on époux ». Pourtant, l’itinéraire de Moussa Coulibaly a bifurqué depuis bien longtemps déjà. À l’aube des années 2010, sa cour d’assises ? » Inébranlab­le, Coulibaly enfonce le clou : « Oui, je mesure la portée de mes propos. »

Un militaire va raconter

Moussa Coulibaly laisse l’assistance pantoise et son avocat, sans réponse. « L’homme que vous êtes aujourd’hui est-il différent de l’homme que vous avez pu être à une certaine période ? », questionne Me Serge Money. «Oui» , finit par lâcher son client, sans conviction. Pressé de questions, l’accusé bloque, comme tétanisé. « C’est difficile de répondre devant la cour d’assises ? » Confession, ou concession : « Oui, c’est difficile... »

L’avocat niçois Me Nicolas Gemsa, partie civile, craignait qu’aucune victime ne puisse participer au procès. Finalement, un des militaires était présent hier. Il doit témoigner ce matin. C’est lui qui a maîtrisé l’assaillant, le 3 février 2015 à Nice. Le verdict est attendu jeudi.

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(DR) Moussa Coulibaly.

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