La mafia géorgienne réglait ses comptes à Nice
Présenté comme un parrain, Kakhaber Shushanashvili est jugé à Aix-en-Provence pour avoir commandité l’assassinat d’un rival. Le projet avait échoué avant de réussir à Marseille
La cour d’assises d’Aixen-Provence a des allures de camp retranché à l’arrivée de Kakhaber Shushanashvili, 47 ans, dit « Kakha », qui se présente comme ouvrier dans le bâtiment.
Ce Géorgien, étroitement surveillé par le Raid, est présenté comme l’un chefs des « Vor y zakone », (traduisez : voleur dans la loi), une mafia redoutable et redoutée, sorte de confrérie du crime. Shushanashvili, détenu depuis dix ans, est accusé d’avoir commandité depuis l’Espagne l’assassinat d’un rival à Nice. Son procès a débuté lundi et doit se poursuivre chaque matin pendant deux semaines.
Il doit répondre d’assassinat en bande organisée. La justice française lui reproche d’avoir envoyé trois tueurs à Nice. Les policiers avaient eu le tuyau par leurs homologues ibériques mais ils n’avaient pu localiser la cible. Difficile d’empêcher le meurtre d’autant que ces malfaiteurs caucasiens ont la fâcheuse habitude de multiplier les fausses identités. L’information se révèle fiable. Le 14 février 2010, une fusillade éclate dans un immeuble sis 8, rue Andrioli, une perpendiculaire de la promenade des Anglais.
Une porte découpée à la kalachnikov
Une porte palière est ouverte à coups de kalachnikov. Vladimir Janashia, 39 ans, réplique avec son pistolet automatique et parvient à prendre la fuite par les balcons. Sur place, les enquêteurs de la police judiciaire de Nice relèvent soixante impacts, ramassent des douilles de calibre 7.62, 7.65 et 9 mm ! L’homme qui a échappé de peu à la mort est en sursis. Réfugié à Marseille, il tombe dans un guet-apens le 18 mars 2010. Deux individus l’exécutent de sept balles alors qu’il se promène dans la cité Air Bel avec de faux papiers tchèques.
Commanditaire depuis l’Espagne
L’Espagne a extradé Shushanashvili, désigné par le juge d’instruction marseillais et l’enquête de la brigade criminelle de la police judiciaire de Nice comme le commanditaire du crime. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Six autres personnes ont été mises en examen. Après avoir fui la Géorgie où le pouvoir a déclaré dès 2005 une guerre sans merci à ses mafieux, Shushanashvili aurait dirigé avec son frère Lasha (installé en Grèce) un réseau de voleurs, de receleurs, de racketteurs très actifs dans toute l’Europe.
En tuant Janashia (membre du clan de Koutaïssi, dirigé par Tariel Oniani) les deux frères, du clan de Tbilissi, souhaitaient étendre leur emprise sur la Côte d’Azur. Certains évoquent un autre mobile : la vengeance tant les Vor y zakone ont pris l’habitude s’entre-tuer. Le 28 juillet 2009, Vyacheslav Kirillovich Ivankov, alias « le petit Japonais », propriétaire d’une somptueuse villa au Cap d’Antibes et considéré comme l’un des plus influents mafieux russes, a été abattu par un sniper alors qu’il sortait d’un restaurant à Moscou. Le commanditaire de cette exécution pourrait être Janashia. Étoiles à huit branches tatouées sur les épaules, code d’honneur, organisation quasi militaire, ces mafieux, après avoir fui l’ex-URSS, ont mis une partie de l’Europe en coupe réglée.
Les Vor y zakone sont composés de soldats chargés de voler (chestiorki), de surveillants qui veillent sur un secteur géographique, et des chefs, les vors (« voleurs couronnés » en russe). Selon les spécialistes, 20 % des faits de grande délinquance commis en France, et notamment les homejackings, le racket, les vols de voitures à la commande et les gros cambriolages leur sont imputés. Au point qu’un groupe spécialisé dans la criminalité caucasienne a dû être créé au sein de l’Office central de lutte contre le crime organisé.