Le militaire agressé : « S’il avait pu tuer, il aurait tué »
Hier à Paris, le soldat varois qui a stoppé Moussa Coulibaly a raconté, devant la cour d’assises spéciale, l’attaque sanglante qui a visé sa patrouille en plein centre de Nice. Un récit glaçant
J’ai trouvé du sang par terre. Le mec était surpris de me voir arriver. Il était un peu effrayé. Il s’est retourné pour fuir. Comme il y avait trop de monde, je ne pouvais rien faire... Du coup je lui ai fait une balayette. Il est tombé au sol. Et je l’ai récupéré. »
Un témoignage « précis », clinique, glaçant au final. Hier, au deuxième jour de procès de Moussa Coulibaly devant la cour d’assises spéciale de Paris, le brigadier Hervé, 24 ans, retrace l’attaque terroriste qu’il a stoppée, le 3 février 2015, en plein centre de Nice. Deux camarades du 54e régiment d’artillerie de Hyères, avec qui il était de faction place Masséna, ont été grièvement blessés au visage par un long couteau de cuisine. Eux n’ont pu être présents au procès.
« C’était une position un peu compliquée : l’arrêt de tram’, les Galeries Lafayette, les restaurants... » ,sesouvient Hervé, élégant dans son uniforme à la barre. À l’époque, ce Camerounais
arrivé en France en 2013 s’apprête à partir, avec ses camarades, en mission à Mayotte. Mais les attentats de janvier 2015 ont changé la donne. Les voici mobilisés dans le cadre de l’opération Sentinelle, aux abords du consistoire israélite de Nice.
À 14 h, ils attendent la relève. C’est alors que Moussa Coulibaly fond sur le sergent Jamel avec son couteau. « Il m’a frappé avec détermination. Si je n’avais pas mis mon bras gauche en avant, il m’aurait atteint au cou. J’aurais pu être blessé mortellement ». Pour la première victime, ce réflexe lié à sa pratique du sport « lui a sauvé la vie ».
L’assaillant tente de s’emparer du Famas
Le maréchal des logis-chef Gabin, deuxième victime de Coulibaly, a été poignardé sous l’oeil. « J’ai senti que j’étais blessé au visage et que beaucoup de sang coulait. Un passant interne en médecine m’a porté les premiers soins. Les téléphones commençaient à sortir. Les gars pensaient plus à filmer qu’à porter secours ; c’est vraiment aberrant ! » L’attaque a laissé des séquelles physiques. Mais aussi psychologiques. Les victimes ont mal digéré leur médiatisation. « La scène me revient de temps en temps. Je ne suis plus comme avant », déplore le brigadier Hervé. Il est bien parti à Mayotte. Puis revenu. Mais les répercussions de l’attaque ont freiné sa prometteuse carrière. Le jeune soldat souhaite à présent «queça finisse, qu’on n’en parle plus ». Son témoignage était pourtant nécessaire, une dernière fois. Pour comprendre que l’issue aurait pu être tout autre. Outre son intervention, il a fallu le renfort de ses camarades et de tiers pour maîtriser Coulibaly, qui tentait de s’emparer de son fusil d’assaut Famas. « S’il avait pu tuer, il aurait tué », pense Hervé. « Je salue votre sang-froid ! », lui lance Me Nicolas Gemsa, avocat des parties civiles.
À trois mètres de sa victime, dans le box vitré, Moussa Coulibaly ne bronche pas. Est-il bien ce terroriste fanatisé, gavé de propagande djihadiste ? Ou bien, dixit une victime, « un égaré, quelqu’un d’assez insignifiant qui nous a mis en danger ? » La cour tranchera demain.