Symphonie pastorale
de musique sacrée et de considérations philosophico-religieuses en voix off. Et bim ! Malick sort de son fameux chapeau de cowboy son meilleur film depuis Le Nouveau monde (2005).
Une Vie cachée débute, à la veille de la deuxième guerre mondiale, sur des images de parades nazies à Berlin. Dans leur village des montagnes autrichiennes, Franz Jägerstätter (August Diehl) et sa famille croient vivre «au dessus des nuages » qui s’accumulent au dessus de l’Europe. L’orage éclate en mai 1939 avec la convocation de Franz à la caserne la plus proche pour faire ses classes. Rapidement démobilisé, car plus utile comme cultivateur que comme soldat, il en garde une aversion tenace pour la vie militaire et la doctrine nazie. Alors que les autres habitants du village se laissent convaincre par la figure du führer et ses thèses racistes, Franz prévient qu’il n’ira pas se battre pour des idées qu’il ne partage pas. Il n’en démordra plus. Menacé, emprisonné, battu, humilié, jugé et finalement condamné à mort, il refusera même de servir comme infirmier pour sauver sa vie et faciliter celles de sa femme (merveilleuse Valerie
Pachner) et de ses enfants. Exécuté, il sera béatifié par Benoît XVI en 2007.
Terrence Malick filme le martyre de cet homme comme la Passion du Christ, avec l’ampleur d’une symphonie pastorale. La photographie (signée Joerg Widmer) est tout simplement magnifique. Et pour une fois, le propos a le mérite d’être clair. Le film s’achève sur une très belle citation du Middlemarch de George Eliot : « Le bien croissant du monde dépend en partie d’actes non historiques ; et si les choses ne vont pas pour vous et moi aussi mal qu’elles auraient pu aller, nous en sommes redevables en partie à ceux qui ont vécu fidèlement une vie cachée et qui reposent dans des tombes délaissées ». La résistance d’un seul homme vaut pour toute l’humanité. On pourra, certes, regretter la tendance de Malick à la logorrhée visuelle et son usage immodéré du grand angle. Une Vie cachée dit en trois heures ce qui aurait pu être exposé en deux. Il n’en reste pas moins que c’est un grand film. Comment le jury cannois a pu y rester insensible reste un mystère.