Edouard Philippe vante un projet de « justice sociale »
Ferme sur la volonté de réformer. Flexible dans les modalités de mise en oeuvre. Tel est le chemin encaissé emprunté hier par Edouard Philippe à l’heure de dévoiler, dans le détail enfin, la réforme des retraites du gouvernement. Celle-ci doit, en théorie, être présentée en conseil des ministres le 22 janvier, puis discutée dès février par l’Assemblée nationale et le Sénat. En faisant référence au réformisme social de Pierre Mendès France et Michel Rocard, mais sans jamais prononcer le mot « cheminots », et c’est tout sauf un oubli, le Premier ministre, dans un propos plutôt clair, a dit sa volonté de « mettre en oeuvre un nouveau pacte entre les générations, fidèle à celui du Conseil national de la résistance après-guerre ».
Cela, en refondant les règles pour, tout à la fois, « corriger les injustices
et prendre en compte la modification des carrières, moins linéaires », autour d’un consensus de solidarité « qui ne confie pas la clé de nos retraites à l’argent-roi ».
Vantant les trois principes qui guident la réforme, universalité, équité et responsabilité, Edouard Philippe l’a assuré : « L’ambition d’universalité, d’un système par points équivalent pour tous, dans lequel chaque heure travaillée ouvrira des droits, est une ambition de justice sociale : il n’y a pas d’agenda caché, nous ne cherchons pas de petites économies dissimulées ici ou là, nous ne voulons léser personne mais, au contraire, protéger le pouvoir d’achat des travailleurs et des retraités, d’aujourd’hui comme de demain. »
Age légal et… âge d’équilibre
« Pour garantir les pensions sans augmenter les impôts, l’idée est de travailler progressivement un peu plus longtemps », a-t-il posé. L’âge légal de départ sera certes maintenu à 62 ans, « si le parcours
de vie de chacun le lui permet »...
Dans les faits, le nouveau système incitera à travailler plus longtemps, selon un barème de bonusmalus à peaufiner par les partenaires sociaux, autour d’un «âge
d’équilibre de 64 ans ».
Les personnes qui ont commencé à travailler avant 20 ans pourront partir deux ans avant les autres. La pénibilité sera prise en compte d’après des critères similaires pour tous et le travail de nuit « mieux reconnu ». Les droits liés à la pénibilité pourront être utilisés soit pour se former, soit pour travailler à temps partiel, en cumulant retraite et activité.
Nés avant : pas concernés
La génération 2004 sera la première à intégrer totalement le nouveau régime. Rien ne changera pour ceux qui sont nés avant 1975. La génération 1975 et les suivantes intégreront progressivement le nouveau dispositif : la partie de carrière effectuée jusqu’en 2025 donnera lieu à une retraite calculée selon les règles actuelles, les droits acquis étant conservés.
Un point qui ne baissera pas
La valeur du point sera fixée par les partenaires sociaux, sous la supervision du Parlement. La valeur des points acquis ne pourra pas baisser et elle sera indexée sur l’évolution des salaires.
La fin progressive des régimes spéciaux
Le gouvernement ne recule pas sur ce sujet : qui dit système universel, dit suppression des régimes spéciaux. « Progressivement, sans brutalité, dans le respect des parcours individuels », a promis Edouard Philippe. Sans précision de calendrier, cependant.
Pension minimale
Une pension minimale de mille euros net par mois sera garantie pour tous, ouvriers au Smic, agriculteurs, etc. Des points seront alloués pour compenser les périodes de maladie ou de chômage. Chaque heure travaillée donnera lieu à l’ouverture de points.
Femmes et familles bichonnées
La maternité sera compensée à 100 % et des points supplémentaires, à hauteur de 5 %, accordés dès le premier enfant. En cas de décès, 70 % des ressources du couple seront reversées au conjoint survivant. « Nous abaisserons aussi l’âge actuel d’annulation de la décote : les femmes (voire les hommes) ne seront plus contraintes d’attendre 67 ans pour liquider leur retraite, faute de trimestres suffisants, et le bénéfice de l’assurance-vieillesse des parents employés sera maintenu pour celles qui arrêtent de travailler pour élever leurs enfants jusqu’à six ans, à partir du troisième enfant », a ajouté le Premier ministre. Dans le souci de favoriser la natalité, 2 % en sus seront, en outre, accordés aux parents de trois enfants et plus.
Les hauts revenus mis à contribution
Au-delà de 120 000 euros de revenus annuels, les plus riches paieront une cotisation de solidarité plus élevée, non à leur profit mais au bénéfice de la collectivité.
Dérogations
Les forces de sécurité conserveront le bénéfice de dérogations d’âge. Le niveau de retraite des enseignants sera sanctuarisé dans la loi et, dès 2021, leur salaire et leur pension revalorisés. Un temps partiel de fin de carrière sera mis en place en faveur des aides-soignantes. Pour les professions indépendantes, « des modalités douces de convergence des cotisations » , seront étudiées « à l’horizon de quinze ans ». Enfin, les réserves accumulées resteront dans les caisses des professionnels concernés.