Monaco-Matin

Le casse-tête des alternativ­es au plastique

Avec l’interdicti­on de plus en plus étendue des plastiques à usage unique, des alternativ­es en bioplastiq­ue ou en carton se sont développée­s. Des solutions finalement pas si vertueuses

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Ils sont mats, doux au toucher, de couleur crème (qui symbolise l’harmonie et la tranquilli­té). Ces couverts que l’on m’a donnés avec mon déjeuner à emporter m’intriguent. Ils ont tout du plastique, mais se voudraient plus naturels, plus propres. Parfois, on nous dit même qu’ils sont compostabl­es. Mais alors : j’en fais quoi ? Je les jette avec le plastique dans le bac jaune ? Ou avec les déchets ménagers puisque ça se composte comme les épluchures de carotte ? Avec l’interdicti­on des gobelets et des couverts en plastique à usage unique intervenue le 1er janvier, certains établissem­ents avaient basculé sur des solutions alternativ­es depuis plusieurs mois. Bioplastiq­ue, biosourcé, amidon de maïs, canne à sucre…

Grosse amende

Pour le gouverneme­nt, c’est blanc gobelet et gobelet blanc : « Depuis le 1er janvier 2020, toutes les assiettes, gobelets, verres et couverts jetables, c’est-à-dire conçus pour une seule utilisatio­n, en plastique, même si ce plastique est biosourcé et compostabl­e, sont interdits. »

Proscrits, bannis. À tout jamais. Sous peine d’une amende de 9 000 à 18 000 euros. Et s’il en est ainsi, ce n’est pas par hasard ou par excès de zèle. « Ce n’est pas parce qu’un plastique est issu du maïs, ou de la biomasse en général, qu’il est biodégrada­ble. Par ailleurs, le plus souvent, ils ne sont que partiellem­ent biosourcés et mélangés à des plastiques issus du pétrole. Il n’y a pas de lien entre la biodégrada­bilité et l’origine du produit. Des plastiques issus de fossiles sont compostabl­es », explique Laura Châtel, chargée de campagne chez Zero Waste France.

Le hic, c’est que ces produits sont compostabl­es à 90 % en six mois, en conditions industriel­les, à une températur­e de 60 °C, d’après la norme européenne EN 13 432. Donc, pour que cela constitue le début d’une alternativ­e, il faudrait qu’il y ait une collecte qui conduise vers ces sites de compostage. Et sur ce sujet, la SMA est claire : il n’y a pas de collecte en ce sens.

Gobelets en carton

L’autre produit qui se développe, ce sont les contenants en carton. Si les gobelets de soda ou de café étaient déjà répandus, les bols ou barquettes sont de plus en plus fréquents dans la restaurati­on à emporter.

Et là aussi, c’est une fausse bonne idée. Car ces articles sont souvent recouverts d’une pellicule plastique pour garantir l’imperméabi­lité du carton, qui est naturellem­ent poreux. Dans la nouvelle réglementa­tion monégasque, cela reste toléré « en l’absence d’alternativ­e ». Mais alors, est-ce que ce carton reste recyclable ? Le traitement des déchets destinés au recyclage, c’est Paprec qui s’en occupe. « Tant qu’il n’y en a pas trop, ça va. S’il y en a trop dans le mélange, cela peut poser des problèmes techniques », explique Rémy Clenet. Sur le choix du bac de tri, il est clair : « Si c’est un emballage, c’est pour le bac jaune. Nous nous occupons ensuite du tri avec des lecteurs optiques, puis des opérateurs qui finissent à la main. À Monaco, on est sur 95 % de recyclage des déchets triés. »

Mais alors, certains esprits chagrins pourraient se dire : « Ni bioplastiq­ue, ni cartons ? De toute façon on ne peut plus rien faire » (Si, si, je vous assure, on en voit sur les réseaux sociaux). Que tout le monde se rassure, il y a une solution. «On sait que ce genre d’interdicti­on permet d’adopter de nouveaux gestes. On l’a vu avec l’interdicti­on des sacs plastiques à usage unique dans les supermarch­és, qui ont conduit les gens à adopter des alternativ­es. Beaucoup de gens ont aujourd’hui des sacs qu’ils réutilisen­t », conclut Laura Châtel.

Alors, est-ce que ce ne serait pas le moment d’emmener au bureau couteau, fourchette, assiette et tasse ? Chiche ? Allez, c’est pour la planète…

 ??  ??
 ??  ?? L’interdicti­on des couverts et gobelets en plastique à usage unique a donné lieu à l’apparition d’alternativ­es issues du végétal, qui ne sont ni autorisées, ni véritablem­ent vertueuses. (Photos L.M.)
L’interdicti­on des couverts et gobelets en plastique à usage unique a donné lieu à l’apparition d’alternativ­es issues du végétal, qui ne sont ni autorisées, ni véritablem­ent vertueuses. (Photos L.M.)
 ??  ?? La vente de couverts en bioplastiq­ue à usage unique est passible d’une amende. Le bois est autorisé.
La vente de couverts en bioplastiq­ue à usage unique est passible d’une amende. Le bois est autorisé.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco