Monaco-Matin

Nice : les avocats s’invitent à l’audience de rentrée

L’ouverture de l’année judiciaire a donné lieu, hier, à une spectacula­ire manifestat­ion des avocats en grève. Les magistrats, eux, sont inquiets de la réforme de la justice des mineurs

- CH. P. chperrin@nicematin.fr

S i magistrats, policiers, gendarmes, élus, représenta­nt de l’État, chefs de Cour ne mesuraient pas l’ampleur de la colère des avocats, opposés à la réforme de leur régime autonome de retraite, ils en ont eu un aperçu hier matin. Les invités à l’audience de rentrée ont eu droit à une impression­nante haie d’honneur composée de robes noires. Depuis la place du Palais jusqu’à l’entrée de la salle d’assises où s’est déroulée la cérémonie.

À la sortie, les avocats (près de 400) massés autour du bâtonnier Thierry Troin, avaient choisi une autre action spectacula­ire. Un lâcher de ballons noirs et rouges dans la salle des pas perdus avec une vibrante Marseillai­se entonnée a cappella.

À noter que le Syndicat de la magistratu­re et Unité magistrats-SNMFO, dans un communiqué, dénoncent « le mépris du gouverneme­nt ». Les deux organisati­ons « assurent les avocats de leur solidarité envers leur mouvement de contestati­on ».

Lors de leur discours, le président du tribunal Marc Jean-Talon et le procureur de la République Xavier Bonhomme ont tous deux formé l’espoir d’un dénouement rapide. « La crise affecte en profondeur notre fonctionne­ment et nous souhaitons qu’une solution soit trouvée au plus tôt », a souligné le président.

■ Quatre nouveaux magistrats dont un ancien de Monaco

Xavier Bonhomme est le procureur de la République en fonction depuis le 18 novembre. Le poste nouvelleme­nt créé de « juge du contentieu­x et de la protection » a été confié à Isabelle DemarbaixJ­oando.

Édouard Levrault est devenu viceprésid­ent du tribunal de grande instance de Nice après avoir été écarté de la Principaut­é. Le Mentonnais Thibault Rossignol, substitut du procureur, rejoint la juridictio­n des mineurs.

■ Vive le tribunal judiciaire

Au 1er janvier, le TGI a laissé la place au tribunal judiciaire ; le tribunal d’instance de Nice est devenu le pôle de proximité et le tribunal d’instance de Menton, un tribunal de proximité.

Marc Jean-Talon a dressé le bilan de 2019, année qualifiée de « difficile ». Parmi les événements marquants, « la relance de la médiation civile, un groupe de travail pour la refonte du service correction­nel, l’installati­on du pôle social. »

Les postes affectés par des absences, notamment au premier semestre, ont eu des incidences puisqu’il y a eu 3 565 jugements correction­nels en 2019, contre 3 766 en 2018.

Le nombre d’affaires nouvelles reçues augmente de 17 %, soit 56 438.

■ Une politique pénale « lisible, efficace réactive »

Le nouveau procureur de la République, a insisté sur « le travail collectif » du parquet. Xavier Bonhomme demande « une disponibil­ité sans faille », et rappelle que « la déontologi­e, cette exigence qui protège, doit guider constammen­t notre action ».

Le procureur attend de son équipe « de la réactivité et de la fermeté ». S’il regrette que les difficulté­s actuelles des avocats paralysent la justice et « pénalisent les justiciabl­es », il promet d’être attentif aux problèmes qu’ils pourront rencontrer.

Les axes forts de sa politique pénale seront les atteintes volontaire­s aux personnes, les violences intrafamil­iales (un magistrat a été nommé pour suivre ce contentieu­x), la criminalit­é organisée et la délinquanc­e économique. Il faut y ajouter « une lutte de tous les instants contre la radicalisa­tion ».

■ Copains de promo

Parvine Derivery, procureur adjoint, a, non sans humour, rappelé que Marc Jean-Talon et Xavier Bonhomme étaient issus de la même promotion de l’École nationale de la magistratu­re : «J’airetrouvé la photo. C’est la dernière en noir et blanc… » Avouant ne pas avoir réussi à identifier les deux chefs de la juridictio­n sur la photo !

Plus sérieuseme­nt, la magistrate a salué dans ses réquisitio­ns « l’engagement et le profession­nalisme du procureur Jean-Michel Prêtre », muté à Lyon contre son gré en novembre. Un témoignage d’estime partagé par le président JeanTalon.

■ Inquiétude­s sur la réforme de la justice des mineurs

Le projet de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 qui régit la justice des mineurs est source d’inquiétude. Une juge pour enfants a pris la parole pour rappeler les fondements de cette justice pour les 0 à 18 ans qui s’adresse à la fois aux enfants victimes de carences éducatives, avec une autorité parentale défaillant­e, et aux enfants auteurs de délits.

Une réponse pénale trop tardive est souvent mise en avant. Le projet prévoit un Code de la justice des mineurs avec des délais de jugement contraints, plus rapides. Ce qui inquiète la magistrate qui rappelle que les mesures répressive­s doivent s’inscrire dans un cadre éducatif.

Elle a également évoqué « le phénomène des jeunes migrants isolés », une charge lourde pour les Départemen­ts qui se sentent abandonnés par l’État.

Autre source d’inquiétude : la fermeture de la Sipad (structure intersecto­rielle pour adolescent­s difficiles).

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(Photo Ch. P.) Rassemblés autour du bâtonnier Troin, les avocats sont venus en nombre protester contre le projet de réforme de leur régime de retraite autonome.

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