Monaco-Matin

 ANS DE LA LOI HANDICAP

Forte de sept médailles paralympiq­ues, la nageuse azuréenne Elodie Lorandi a un temps mis la discipline entre parenthèse­s et revient dans l’ombre en espérant se qualifier pour les JO de Tokyo

- Vous êtes toujours nageuse, mais vous auriez pu arrêter définitive­ment la compétitio­n... Quand avez-vous repris l’entraîneme­nt ? Vous ressentez une forme d’émulation au club ? Vous imaginez la qualificat­ion pour les Jeux comme un “bonus” ? Quelle a été vo

J’avais essayé parce qu’on m’avait proposé, ça s’est super bien passé au début mais à force je me suis rendu compte que ce n’était pas du tout mon cadre de vie et qu’on n’avait pas les mêmes valeurs. J’en voulais peutêtre trop et c’était compliqué de s’entraîner. J’étais licenciée au club de Nice, mais il fallait aller au lac de Saint-Cassien sauf qu’ils ne ramaient que trois fois par semaine. En plus, j’étais en école d’auxiliaire de puéricultu­re à Nice et je finissais trop tard le soir. Malgré ça, j’ai participé aux mondiaux d’aviron et on a qualifié la coque pour les Jeux Olympiques de Tokyo (bateau mixte), on a terminé e mais ça a été assez compliqué à gérer au niveau émotionnel. J’aime gagner.

Avec le temps, j’ai recommencé à nager un peu dans un club à Cannes et je me suis rendu compte que ça me manquait. J’ai repris du plaisir en faisant du “swimrun” (), mais l’entraîneur de l’aviron n’a pas trop accepté que je fasse ça. Comme je ne rentrais pas dans son cadre, j’en suis ressortie toute seule et j’ai appelé mon entraîneur d’Antibes avant de me décider à revenir nager. Si je dois avoir le mérite d’aller à Tokyo, ce sera toute seule.

J’ai repris officielle­ment en janvier, je faisais un peu de sport avant mais j’ai repris deux fois par jour depuis le début d’année. Maintenant, il faut que je décroche la qualif’ pour Tokyo, j’ai envie d’essayer. C’est un plaisir de renager, c’est quelque chose que j’avais perdu. Quand j’ai repris, j’ai eu des sensations que je n’avais jamais eues par le passé. Vous vous imaginez, pour quelqu’un qui nageait depuis  ans ? Je trouve ça dur mais c’est bien.

« J’ai du mal à me poser »

Toujours dans les structures du Cercle des Nageurs d’Antibes ?

Oui, je suis toujours au stade nautique. On nage deux fois par jour toute la semaine avec trois séances de musculatio­n en plus. J’essaie aussi de faire un peu d’athlétisme à côté, je pense que ce n’est pas mauvais. L’IFMEA de Nice m’a

() permis de faire ma formation sur deux ans plutôt que sur dix mois donc j’ai pu couper pour me focaliser à fond sur les entraîneme­nts à Antibes.

Oui et non. Chacun a sa personnali­té, mais je n’ai pas trop de problèmes pour me mélanger avec les gens. Après on reste quand même dans notre truc, surtout en compétitio­n, mais ça ne nous empêche pas d’échanger. Je le fais souvent avec les jeunes parce que j’aime ça. Même si c’est un sport individuel, on a beaucoup de discussion­s et on échange énormément. Je crois que je suis la plus ancienne ici (sourire). qualifie je me qualifie mais si je ne me qualifie pas, personne ne va me cracher dessus. La pause m’a fait du bien mais quand je ne suis pas dans l’eau, je ne suis pas moi. Je suis une fille assez dynamique et j’ai du mal à me poser. Quand je suis dans l’eau, il y a des moments où j’arrive à me canaliser. En aviron, on allait toujours en arrière, dans l’eau je vais toujours en avant. C’est inhabituel d’aller en arrière. Les échecs m’ont construit et le fait d’aller toujours en arrière, pour moi c’est un échec. Là, je me sens libre.

Je voulais partir aux EtatsUnis avec mon coach pour m’entraîner pendant quelques mois, mais je n’ai jamais pu parce qu’il n’est pas détaché pour la FFH (Fédération Française Handisport). Il fait partie de la Fédération de natation donc c’est très compliqué de le détacher alors qu’il a des nageurs valides avec lui. Seule, je ne serais pas partie. C’est un petit regret.

« On ne pourra pas me juger »

Pourquoi les Etats-Unis ? Pour voir autre chose.

Les entraîneur­s américains ont une autre façon de voir les choses. On est quand même partis là-bas mais seulement deux semaines et c’est ce que j’ai pu remarquer. On a croisé tellement de personnes fabuleuses que je me suis dit : il faut connaître cette culture ! Mais il n’y a pas que les Américains. Quand je vois nager ma concurrent­e Sophie Pascoe (), je me dis qu’ils ont vraiment quelque chose. C’est un peu ce qui me manque, l’échange.

A part ça, je n’ai pas spécialeme­nt de regrets.

Les Jeux de Londres, c’est là-bas que j’ai décroché l’or sur  mètres nage libre. L’année suivante j’ai battu le record du monde aux championna­ts du monde. Ce sont deux années où j’étais au mieux de ma forme. Psychologi­quement j’étais très posée, très calme. J’ai beaucoup pris sur moi alors que j’étais blessée à l’épaule. Ça veut dire que le mental est important dans la réussite.

Quand on est plus serein et qu’on sait comment on s’est entraîné, il y a une certaine légèreté. Aujourd’hui, la légèreté je l’ai parce que j’ai l’impression de revenir comme une poussine. On ne m’attend pas. On me donne des temps à réaliser, mais si je ne les fais pas on ne va pas me taper sur la figure. Avant, quand je ne faisais pas mes temps on se disait : ‘’La

Je pense que c’est la meilleure des choses, oui.

1. Sport mélangeant la natation et la course à pied.

2. Institut de Formation aux Métiers de l’Enfance et de l’Adolescenc­e.

3. Nageuse néo-zélandaise multi médaillée aux Jeux Paralympiq­ues.

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(Photo Patrice Lapoirie)
 ?? Au sortir des Jeux de Rio. (Photo S. Botella) ??
Au sortir des Jeux de Rio. (Photo S. Botella)

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