Jeff Fauchier ne marche plus mais vole toujours
Paraplégique après un accident de deltaplane, le Raphaëlois n’a jamais abandonné les airs, entre delta, parapente, vol à voile, catakite. Il en facilite l’accès à d’autres personnes en fauteuil
C’est l’histoire d’un homme, Jean-François Fauchier, et d’une passion à laquelle il n’a jamais renoncé malgré l’accident, qui l’a laissé paraplégique. À 67 ans, le Raphaëlois vole toujours.
Jeff, comme l’appellent ses amis, s’est mis au deltaplane dès l’arrivée de ce sport en France dans les années 70, pratiquant autour de Marseille où il vivait, à Gémenos, Aubagne… Des sensations fortes pour ce sportif épris de liberté. Enseignant dans le secondaire, il est nommé à Paris où il continue et, rapidement, atteint le haut niveau. Membre de l’équipe de France, il participe aux compétitions internationales : « J’étais un peu le Poulidor du deltaplane, toujours second, jamais premier », rit-il.
En 1986, à la veille des championnats d’Europe, il essaye un prototype de delta à Étampes (Essonne), mais tombe d’une hauteur de 12 mètres. « Soit un immeuble de trois étages, précise-t-il .Àl’hôpital de Corbeil-Essonnes, j’ai appris que je ne marcherai plus. » Aussitôt, il ajoute : « Mais je me suis réparé ».
Sur les conseils d’un copain ayant vécu la même chose, il fait sa rééducation à l’hôpital Renée-Sabran, à Hyères, sur la presqu’île de Giens « avec des kinés très ouverts au fait que j’avais envie de voler ». Ce qu’il réalise huit mois seulement après sa chute « sur les mêmes sites, avec un groupe de potes qui ont construit un tremplin pour pouvoir décoller en roulant. Et à partir de là, je n’avais pas perdu grand-chose. Ils m’ont encouragé aussi à reprendre la compétition ». Jeff Fauchier rejoint à nouveau l’équipe de France en 1987. Il rend hommage à la fédération française de vol libre (FFVL), très ouverte à l’acceptation du handicap, avec des dérogations médicales et des « petits arrangements » pour pouvoir décoller ou une liaison radio plus sophistiquée que les autres compétiteurs pour indiquer son lieu d’atterrissage. « Malgré tout, ça a diminué mes performances, se souvient-il. Mais je défendais mon bout de gras. Il a fallu arriver à l’acceptation du handicap à une époque où il était peu médiatisé. C’était difficile pour moi de me montrer. Je me suis fait une réflexion à propos de l’intégration : dans un sport somme toute assez dangereux, quand un ami disparaissait, il était dans les mémoires mais plus sur le site. Moi, quand je suis revenu sur le circuit, j’étais la représentation de l’accident et du risque. C’était difficile pour moi et les autres. C’était l’image, le fauteuil, qu’ils n’avaient pas envie de voir. Heureusement, très vite, plus personne n’en afaitcas.»
Après avoir rencontré son épouse, elle aussi victime d’un accident, Jeff Fauchier « lève le pied », selon son expression, en compétition. La FFVL a beaucoup poussé à la création d’une commission handicap, qu’il préside d’ailleurs, et s’appelle Hand’Icare. «Onaconçu des fauteuils de vol, on a créé des formations spécifiques en biplace et en solo. Cinq cents moniteurs sont formés au niveau national. Tous les sites de vol importants sont accessibles aux fauteuils. » La FFVL récupère aussi l’activité de kitesurf, en adaptant des catas de plage.
Après le parapente, et l’ULM, le Raphaëlois achète un motoplaneur, basé sur l’aérodrome de Fayence-Tourrettes. Il suit une formation de pilote de planeur et s’adonne au vol à voile sur un appareil adapté du club. « Le président, Gérard Chiocci, et le chef pilote, Vincent Bilote, ont poussé et accompagné le projet », dit-il. Dans ce haut lieu du vol à voile international, les locaux sont accessibles à tous. « Après, il faut que ça vive. Il faut le faire savoir auprès d’un public plus large avec d’autres handicaps, relève Jeff Fauchier. C’est une bonne chose de faire faire un tour de planeur à une personne handicapée, ça la sort de son milieu. On est avec les valides, c’est un plus, et des sensations nouvelles. » Il vole de moins en moins, une quinzaine de jours par an dans chaque discipline, préférant y amener les autres : « À l’époque du delta, c’était ma vie, une vie assez égoïste. La passion écarte de ce qu’il y a autour. Aujourd’hui, je suis dans le partage, le développement, l’organisation du sport avec handicap ».
‘‘Je me suis réparé”
‘‘
L’État ne fait pas assez pour rendre le bon matériel accessible”
Depuis son accident, les lignes ont bougé : « Il y a eu un gros coup de boost sous Jacques Chirac. Mais après, de nombreuses corporations ont obtenu des délais pour se mettre aux normes. On recule au lieu d’avancer ». Il salue néanmoins les progrès accomplis par la SNCF, des cinémas, l’inclusion scolaire, et épingle certaines compagnies aériennes, qu’il boycotte. Il souligne aussi l’autre prix à payer que la perte de la mobilité : «Il faut adapter la voiture, le domicile. Un fauteuil de qualité qui ne va pas vous bousiller les épaules, ça coûte cher. Le reste à charge, selon la mutuelle, est énorme. L’État ne fait pas assez pour rendre le bon matériel accessible. Et après 60 ans, la MDPH ne finance plus les fauteuils.
(1) Votre pouvoir d’achat en prend un coup ».
Si la vision sur le handicap a évolué, « grâce aux associations, au Téléthon, à des films comme Intouchables, les regards sont différents », pour Jeff Fauchier « il reste beaucoup de choses à faire dans notre pays ». 1. Maison handicapées.