« On doit même acheter du gel douche à nos patients »
Aides-soignantes, infirmières, brancardiers et personnel hospitalier ont manifesté, hier matin, à Nice, pour dénoncer « le mépris du gouvernement » et le manque de moyens pour l’hôpital
La stèle de carton s’embrase sur la place Garibaldi. « Ci-gît l’hôpital public, 1945-2020, assassiné à petits feux par les gouvernements successifs. » Les flammes montent, comme le ton des soignants. Des infirmières, des aides-soignantes, des brancardiers, des patients (200 manifestants selon les organisateurs, 150 selon la police) qui chantent et s’époumonent au pied du camion sono de la CGT : « La colère est dans le cathéter ! » Une colère profonde, pas près de s’éteindre, jure le syndicat à l’origine de l’appel à manifester hier à Nice, comme partout en France.
« Augmentation pour tous ! »
« C’est un appel pour sauver l’hôpital public et notre système de santé, malades à cause des pouvoirs publics qui, depuis des décennies, n’ont fait que les appauvrir par des décrets et des lois purement comptables ! », clame Stéphane Gauberti, patron de la CGT au CHU. Il grogne, tonne, combat «le mépris et la provocation de la ministre de la Santé qui donne une prime de 100 euros uniquement aux aides-soignantes des services de gérontologie. Mme Buzyn joue la division entre les catégories socio-professionnelles et entre les régions en réservant sa prime de logement à Paris et sa petite couronne… On demande 300 euros d’augmentation pour tous ! »
Et des moyens
Une augmentation de salaire mais aussi des moyens. Avant-hier, « une infirmière a été tuée, poignardée par un patient dans une unité psychiatrique, enchaîne au micro Delphine Girard, la secrétaire départementale de l’USD CGT santé action sociale. Ça illustre le manque de moyens de l’hôpital en général et de la psychiatrie en particulier. » Et de poursuivre : « Une enquête est ouverte mais quand est-ce que seront mis sur le banc des accusés, ceux qu’on alerte depuis des années et qui font semblant de ne pas nous entendre ? Le mal-être est partout, les burn-out explosent… »
Sandrine est aide-soignante en gérontologie à Cimiez. Vingt ans d’hosto. Vingt ans d’usure. Elle touchera la prime annoncée par Agnès Buzyn : « Il y a quelque chose d’injuste. On souffre tous, les agents de services hospitaliers, les “faisant fonction”, les infirmières… C’est de pire en pire. Dans notre service, les chevets adaptables ne fonctionnent pas, les palans [pour soulever les patients] tombent en panne. Les douches, un coup sur deux, n’ont pas d’eau chaude ou pas d’eau froide… On a de petits salaires, vous trouvez ça normal qu’on doive acheter du gel douche ou du shampooing pour nos patients ? La semaine dernière, on n’avait plus de bols pour leur servir le café ! »
Et puis il y a l’humain, l’impossibilité de prendre soin. Le plus douloureux pour Sandrine et ses collègues : « On a de moins en moins de temps. Pas le temps de couper les ongles, pas le temps de faire un petit brushing pour rendre le sourire à une vieille dame. Les infirmières – dans notre service, le quota c’est une pour vingtcinq patients – n’ont plus le temps de tenir la main des mourants en soins palliatifs. On n’a pas signé pour ça ! »