L’âge de raison
Nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie. Physiquement, bien sûr. Mais plus encore psychologiquement. L’hypocondrie n’est pas le moins pénible des maux. Le coronavirus, de manière presque caricaturale, vient couper la France en deux. D’un côté, ceux qui redoutent forcément le pire, se mettent en quête de masques et n’ouvrent plus les portes qu’avec le coude pour éviter de récolter des microbes sur les mimines. De l’autre, les matamores prompts à relativiser la nocivité du virus et à clamer qu’il faut continuer à croquer la vie, en faisant fi des chausse-trappes inattendues, mortelles parfois, qu’elle glisse sur notre route, le coronavirus n’étant pas la pire menace qui rôde. Entre ces sensibilités, le gouvernement évolue sur une ligne de crête : en faire suffisamment mais pas trop, tel est son défi. Sans préjuger de l’avenir, il s’en tire plutôt bien pour l’instant, dans une approche pragmatique ajustée au jour le jour. Cette gestion de crise s’appuie largement sur les leçons du passé. Les errements de l’affaire du sang contaminé, au milieu des années quatrevingt, puis la prise en compte négligente de la canicule de l’été , qui généra une surmortalité de personnes, ont durablement vacciné les exécutifs contre toute désinvolture. Au point qu’en , Roselyne Bachelot, qui avait élevé le principe de précaution à son paroxysme, fut même amenée à annuler la moitié de la commande de millions de doses de vaccin passée pour lutter contre la grippe HN. À tâtons, parce que rien n’est simple, surtout lorsque les experts médicaux sont eux-mêmes dans le brouillard, le gouvernement semble cette fois tenir les rênes. Bien sûr, des couacs sont inévitables face à une situation qui évolue d’heure en heure. Personne n’a ainsi compris que des supporters turinois ne soient pas interdits de déplacement à Lyon, alors que des écoliers étaient sommés de rester chez eux. Bien sûr, l’État-nounou incarné par Édouard Philippe, invitant à se laver les mains et à user de mouchoirs en papier, a un petit côté abêtissant, façon école des bonnes manières par Nadine de Rothschild. Mais dans l’ensemble, la crise paraît sainement gérée, autant que faire se peut dans une interconnexion mondiale où la fermeture totale des frontières, la seule solution qui eût été radicale, est apparue délicate à envisager. Dans quelque temps, une fois la crise passée, il sera intéressant, à tête reposée, de voir à quel point le coronavirus accélérera, ou pas, la mutation de l’économie vers les circuits courts.
« À tâtons, parce que rien n’est simple, le gouvernement semble cette fois tenir les rênes. »