Monaco-Matin

Julien Camy, dans la roue de René Vietto

Le journalist­e et cinéaste présente son beau documentai­re sur le champion cycliste du aujourd’hui, pour deux séances au Cinetoiles Rocheville. Une figure de légende !

- A.C. Savoir + :

Pour lui aussi, ce fut un peu comme gravir un col infranchis­sable. Voilà quatre ans que le cinéaste et journalist­e Julien Camy a « la tête dans le guidon », à suivre la roue de René Vietto. Quatre ans d’intenses recherches, d’interviews de vieilles gloires du cyclisme, et voilà que ce cycliste amateur change enfin de braquet : son film, Le roi mélancoliq­ue, la légende de René Vietto est projeté au Cinétoile dans la ville natale du champion azuréen, jadis licencié à l’Étoile sportive de Cannes. Considéré comme l’un des meilleurs grimpeurs d’avantguerr­e, ce prodige, malgré plusieurs victoires au Paris-Nice et de multiples étapes au Tour de France, ne répondit jamais vraiment à tous les espoirs placés en lui. Un antihéros tel que Julien les aime, à redécouvri­r absolument.

Pourquoi cet intérêt particulie­r pour René Vietto ?

J’aime bien les récits de sport un peu tragiques, qui dépasse la victoire ou le résultat, pour exprimer un supplément d’âme. Quand j’ai écrit le livre Sport et cinéma avec mon père Gérard, je me suis rendu compte que contrairem­ent aux boxeurs, peu de biopics de cyclistes avaient été adaptés pour le e art. En tant que licencié au Vélo-club de Rocheville, j’avais le souvenir d’avoir remporté le challenge souvenir René Vietto. Je suis ensuite tombé sur un article d’un journalist­e anglais, qui évoquait le fameux orteil de René Vietto, qu’on avait dû lui amputer et qui est conservé comme une relique par des fans. Sans savoir encore que j’allais en faire un documentai­re, j’ai pris ma caméra pour me rendre chez René Bertrand, son admirateur et ami, et filmer les vieux de la vieille qui pouvaient encore me parler de Vietto (N.D.L.R. : décédé en )

Un héros tragique et populaire, sorte de Poulidor azuréen ?

Tout à fait, mais Poulidor possède un très gros palmarès hormis le Tour de France. René Vietto, sa carrière sportive ressemble à sa vie intime, un peu inachevée malgré de coups d’éclat. C’est un cycliste, tel un artiste maudit. Depuis sa découverte du vélo, il avait viscéralem­ent besoin de rouler, pour aller au bout de luimême, comme un artiste doit créer pour se sentir mieux.

Malgré une brillante victoire aux Boucles de Sospel qui le révèle à  ans, un champion avorté et mal dans sa peau ?

René Vietto est un personnage très complexe, et même moi, après ce documentai­re, je n’ai pas de réponses à plein de questions, mais ce mystère m’intéresse.

René Vietto, c’est aussi le reflet d’une époque légendaire pour le vélo, où le Tour de France fascinait et inspirait ?

Oui, il fut un héros d’avant et d’après-guerre. Tous les textes, lus par Jacques Gamblin dans le film ont été réellement publiés. Encore maintenant, des auteurs écrivent parfois sur Vietto, sa mémoire est toujours là.

Comment convaincre l’acteur de « jouer » la voix off ?

Je savais que Gamblin était fan de vélo, il a même fait des spectacles sur le sujet car il a cette volonté de placer le sport au même niveau intellectu­el que l’art. Je lui ai juste envoyé un lien avec le montage inachevé de mon film l’été dernier, et il m’a rappelé pour me dire : Je suis partant !

Il y a aussi deux guest stars. Jean-Paul Belmondo, qui dit de Vietto : « C’était le roi ! », et Charles Gérard qui estime qu’ « il aurait fait une carrière fantastiqu­e s’il n’y avait pas eu la guerre »?

Ils sont fans. Dans les années , j’ai vu Charles Gérard présenter une course Vietto dans le Vaucluse, et Belmondo, vénère deux « héros » : le boxeur Marcel

Cerdan et le cycliste René Vietto !

Finalement, Cannois ou Cannettan ce Vietto ?

Il est né à Rocheville, rue d’Ormesson, puis a séjourné chez ses grands-parents à Plascassie­r durant la première guerre, avant que sa mère ne tienne une épicerie sur le boulevard PaulDoumer

et avenue des écoles. Il était licencié à l’Étoile sportive de Cannes qui était un club pourvoyeur de talents tels les frères Lazarès. et une tribune porte son nom sur la piste de cyclisme Louison-Bobet.

Il y a aussi ce parallèle incroyable avec un film sorti en , Le roi de la pédale ,surun groom du Negresco qui devient champion cycliste...

Et René fut groom au Majestic et au Casino Palm Beach, où il effectuait déjà ses courses à vélo.

Le documentai­re fut dur à monter, malgré cette histoire ?

Financière­ment oui, avec un budget ridicule de   €, dont   € de droits d’archives. J’ai obtenu une aide du Cannet, de Nice et du Conseil départemen­tal, et  personnes ont contribué au financemen­t sur un compte Ulule. C’est sans doute grâce à eux que j’ai tenu. Pour eux, j’étais obligé d’aller jusqu’au bout, à titre complèteme­nt bénévole. Mais le film est là et le retour est excellent, notamment de Vincent Lindon qui aimerait en faire une fiction de cinéma.

René Vietto, toujours là ?

Clairement, ça fait quatre ans que je vis avec lui. Il fait partie de ma famille, pour moi, c’est Tonton René ! Et quand j’enfourche mon vélo, je pense forcément à lui.

Le roi mélancoliq­ue, la légende de René Vietto, un film de Julien Camy projeté à  h  et  h  au Cinétoile Rocheville,  Chemin du Périer au Cannet. Tarif spécial de la séance :  euros.

 ?? (Photos Eugène Camy, DR et dessins Lax) ?? René Vietto : ses succès, mais aussi ses échecs, ont constitué sa légende, selon Julien Camy.
(Photos Eugène Camy, DR et dessins Lax) René Vietto : ses succès, mais aussi ses échecs, ont constitué sa légende, selon Julien Camy.
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