Monaco-Matin

Tout ce qu’il faut savoir sur ce traitement

- AURORE MALVAL amalval@nicematin.fr

Mardi 17 mars, la chloroquin­e a fait son entrée à la sortie du Conseil des ministres, dans la bouche de la porte-parole du gouverneme­nt Sibeth Ndiaye, qui évoque « des essais prometteur­s ». La veille, le professeur Didier Raoult, directeur de l’IHU de Marseille, expliquait dans une vidéo postée sur YouTube comment le Plaquenil, associé à un antibiotiq­ue, avait permis la disparitio­n du coronaviru­s SARS-Cov-2 chez les trois quarts des patients traités.

Chloroquin­e,hydroxychl­oroquine, de quoi s’agit-il ?

La chloroquin­e est un vieux médicament, élaboré dans l’Entre-deux-guerres et mis sur le marché en France en 1949. Cette molécule est dérivée de la quinine, un alcaloïde naturel antipaludi­que extrait de l’écorce d’un arbuste d’Amérique du Sud, le quinquina, connu pour faire baisser la fièvre. Initialeme­nt, le médicament est utilisé contre le paludisme. Mais dans les années 1960, les parasites responsabl­es de la maladie deviennent de plus en plus résistants aux antipaludé­ens de synthèse et ceux-ci – la chloroquin­e et une molécule « cousine » l’hydroxychl­oroquine – se trouvent alors davantage employés dans la lutte contre des maladies auto-immunes, le lupus par exemple. La chloroquin­e est commercial­isée en France sous le nom « Nivaquine » et l’hydroxychl­oroquine

sous celui de « Plaquenil ».

La chloroquin­e est-elle interdite ? « Agnès Buzyn a interdit la chloroquin­e », c’est le message partagé des milliers de fois sur Twitter et Facebook depuis quelques jours déjà. En cause, un arrêté du 13 janvier 2020, publié au Journal officiel du 15 janvier, signé par le directeur général de la Santé par délégation pour Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé. Il place l’hydroxychl­oroquine sur « la liste II des substances vénéneuses ».

Qu’est-ce que cela change ? Cela signifie que le médicament, en l’occurrence le Plaquenil, n’est plus disponible que sur ordonnance alors qu’auparavant sa vente était libre. En pratique, la plupart des personnes qui bénéficien­t d’un traitement incluant cette substance sont en possession d’une prescripti­on médicale.

Pourquoi ce nouveau classement ? La chloroquin­e est, elle, inscrite sur la liste II des substances vénéneuses depuis 1999. C’est une des raisons pour lesquelles l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a choisi de faire de même avec l’hydroxychl­oroquine, les deux molécules étant « similaires » au plan « de la structure et des propriétés pharmacolo­giques », justifie l’agence dans sa demande.

Selon elle, la chloroquin­e ne doit pas être utilisée pendant la grossesse, à cause de son potentiel « génotoxiqu­e », c’est-à-dire pouvant induire des dommages à l’ADN. Si « les données disponible­s sur la génotoxici­té de l’hydroxychl­oroquine sont quant à elles limitées », l’ANSM a choisi le principe de précaution. Ces démarches sont antérieure­s au déclenchem­ent de l’épidémie de coronaviru­s, l’agence nationale de sécurité du médicament ayant réclamé l’avis de l’Anses pour le classement – c’est la procédure – le 8 octobre 2019.

Quels sont les risques ?

En pratique, les médecins continuent à prescrire ce médicament chez les femmes enceintes qui en ont besoin. Dans sa notice sur la chloroquin­e, l’OMS ne fait état d’aucune contre-indication, au contraire. En revanche, la chloroquin­e est considérée comme un médicament « à marge thérapeuti­que étroite », ce qui veut dire que la dose thérapeuti­que est proche du surdosage, lequel peut provoquer de façon « brutale et précoce » des troubles cardio-vasculaire­s fatals.

Dans une étude de 2011 du CHU de Toulouse sur le bénéfice-risque du traitement par Plaquenil, la toxicité de l’hydroxychl­oroquine est évoquée surtout pour la rétine et sur un temps long : « [Celui-ci] est très faible

pour une dose inférieure à 6,5 mg/kg/j pendant 5 ans. Il augmente aux alentours de 1 % après 5 à 7 ans d’utilisatio­n de l’hydroxychl­oroquine ou pour une dose cumulée de 1 000 g d’hydroxychl­oroquine. Le risque augmente ensuite encore avec la poursuite de l’utilisatio­n du médicament ». Le traitement du professeur Raoult utilise un dosage précis : « 600 mg par jour pendant dix jours », détaille l’infectiolo­gue dans sa vidéo.

Pourquoi une partie de la communauté scientifiq­ue est-elle réticente ?

Une partie des réticences de la communauté scientifiq­ue peut s’expliquer – outre le faible échantillo­n de personnes sur lequel a été mené le premier essai clinique du professeur Raoult – par les précédente­s expérience­s de cette molécule utilisée comme antiviral. Ce n’est pas la première fois que la chloroquin­e ou son dérivé l’hydroxychl­oroquine sont testées dans la lutte contre des maladies virales aiguës. Dans les années 1990, elles ont été utilisées dans la recherche contre le sida. In vitro, les résultats étaient encouragea­nts, mais ils n’ont pas été concluants in vivo, c’est-à-dire sur des êtres vivants. Même chose pour les tests qui ont été conduits sur la dengue, le virus Zika ou encore Ebola.

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