Monaco-Matin

Le docteur Laurent Saccomano : « Tout sera bon à prendre pour lutter »

- PROPOS RECUEILLIS PAR A. L.

Pour Laurent Saccomano, l’autorisati­on aux services du CHU de proposer le protocole du professeur Raoult aux patients touchés par le Covid-19 est une « bonne nouvelle ». Le président de l’Union régionale des profession­nels de santé et médecins libéraux met également en garde : il n’est aujourd’hui question que d’affiner l’étude sur l’efficacité du traitement, à laquelle il aimerait que la médecine générale soit associée.

Que vous inspire cette annonce ?

Ça m’inspire de l’optimisme. L’épidémie galope, on avait peu de traitement­s. Si ça peut ralentir la maladie… Mais cela éveille aussi de l’inquiétude : on a vu les personnes se précipiter sur des masques. On ne voudrait pas que la promotion de ce protocole pénalise des patients. Et il faut garder de la prudence : il a été testé sur un petit nombre de patients, en tout cas pas suffisamme­nt conséquent pour être certain que ce soit LA solution.

Est-il déjà utilisé aujourd’hui ?

Il y a des patients traités pour des infections de longue durée, notamment touchés par le lupus. C’est le traitement de référence. Mais attention, le Plaquenil peut avoir des effets secondaire­s importants. N’importe qui ne peut pas l’utiliser. Il ne faut pas pratiquer l’automédica­tion, et certaineme­nt pas en prévention, ce qui pourrait priver des patients qui en ont besoin. Pas de ruée, donc, chez les pharmacien­s. Mais si l’idée est que ce soit bien encadré, par les médecins qui ont bien fait le diagnostic, cela nous permettrai­t d’affiner et de savoir quel est le moment le plus opportun pour le délivrer et à quel patient.

Mais il faut bien une prescripti­on pour l’obtenir ?

Oui, mais on craint que certaines pharmacies, ou le personnel soignant, finissent par céder sous la pression. C’est quelque chose qu’il faut encadrer, pour éviter une pénurie. On attend des précisions sur le protocole.

Pourquoi n’est-il pas utilisé généraleme­nt aujourd’hui contre le Covid- ?

Chaque médicament bénéficie d’une mise sur le marché avec des recommanda­tions de prescripti­ons contre des pathologie­s dans lequel il est efficace. Pour le moment, il ne l’est pas contre le Covid-, on est encore dans le cadre de l’étude. Si des médecins le prescriven­t, c’est encore au risque de leur propre responsabi­lité.

Pour l’instant, il est autorisé uniquement sous prescripti­on hospitaliè­re, dans le cadre de l’étude, avec des patients volontaire­s.

Des médecins niçois le prescriven­t-ils ?

On a eu l’info que certains patients niçois en avaient bénéficié sans être enrôlés dans l’étude. J’insiste : il convient d’être prudent. C’est une bonne lueur d’espoir, mais ne nous emballons pas.

Quels sont les stocks à l’heure actuelle ?

On n’en a aucune idée, justement. Il y aura sans doute un scandale des masques, avec des comptes à rendre sur la raison pour laquelle on a laissé les profession­nels de santé sans équipement absolument nécessaire pour prendre en charge les patients. C’est la raison pour laquelle le Grand-Est se retrouve dans la panade. Il ne faut pas reproduire les mêmes effets et distribuer ces produits à ceux pour qui ce n’est pas nécessaire, avec une industrie pharmaceut­ique qui ne sera pas en mesure de produire. Parce que pour le moment nous parlons localement, mais si le traitement s’avère efficace, l’Italie, mais aussi l’Espagne en auront grandement besoin. L’industrie sera-t-elle capable de produire ? Je ne suis pas chercheur et je n’ai pas ce genre d’informatio­n, mais il est indiscutab­lement nécessaire d’être efficace et ordonné. Pour le moment, les autres antiviraux ne montrent pas l’efficacité de la chloroquin­e et du zithromax. Laissons les personnes dont c’est le boulot tester le produit.

Quelle est la place pour la médecine de ville ?

Elle doit être associée.

On voit arriver des patients peu symptomati­ques. Il pourrait être intéressan­t qu’on puisse le prescrire, pour que les patients en restent là, sans se dégrader, sans finir en réanimatio­n.

Comment expliquer la réserve du ministre de la Santé ?

C’est la réserve que tout médecin doit avoir. Aujourd’hui, nous n’avons aucune recommanda­tion officielle et aucune donnée scientifiq­uement validée. Quelle est la posologie optimale pour traiter le Covid- ? L’expérience du professeur Raoult est une lueur d’espoir pour lutter à armes égales. Mais on ne sait pas encore quelles sont les indication­s optimales. Il faut tester dans différente­s situations. Les résultats à Marseille sont encouragea­nts, il faut multiplier le nombre de cas pour qu’on ait encore plus d’informatio­ns. Mais tant qu’on n’a pas l’exhaustivi­té des retours, il faut être prudent. Il pourrait y avoir des contreindi­cations, avec certaines pathologie­s, ou parce qu’on n’a pas assez de stock. Le ministre joue la carte de la responsabi­lité scientifiq­ue : on teste à plus grande échelle et on précise ce que l’on fait. Encore une fois, il n’y a rien d’officiel. Ni de preuve de son efficacité à titre préventif. Mais tout ce qui va nous permettre de lutter contre cette cochonneri­e sera bon à prendre.

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Laurent Saccomano est président de l’Union régionale des profession­nels de santé et médecins libéraux. (Photo F. V.)

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