Monaco-Matin

Premier soir : Nice ,une ville figée, silencieus­e

Reportage dans les rues de Nice, samedi soir, à l’heure où l’arrêté municipal est entré en vigueur. Depuis hier, la préfecture interdit toutes sorties non urgentes après 22 heures

- Pour motif familial impérieux, GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Vingt-trois heures. C’est officiel, la capitale azuréenne est sous le régime du couvre-feu. Aux Moulins, c’est Fort Knox. Les camions de CRS cernent le quartier. La raison ? Vendredi, une trentaine de jeunes ont incendié des poubelles. Leur façon à eux de protester contre la multiplica­tion des contrôles liés au confinemen­t. Comme s’ils ne se sentaient pas concernés par l’effort national.

Les hommes de la CRS ont donc pris position pour calmer les esprits. La police nationale, avec laquelle nous embarquons, sillonne les Moulins sans relâche. Ce quartier sensible de l’ouest de Nice est classé en Zone de sécurité prioritair­e.

Ce soir, ça ne moufte pas. Les dealers et les choufs, les guetteurs, ont déserté les cages d’escalier. Les terrains vagues, où gisent des véhicules semi-désossés, sont déserts.

La lumière blafarde des réverbères éclaire la scène, surréalist­e, d’un quartier figé comme jamais.

« Je vais faire des courses »

Le couvre-feu vient de s’appliquer dans la capitale azuréenne – depuis hier soir l’arrêté est préfectora­l (lire ci-dessous) –, et la ville, la vie, s’arrêtent. Sur Jean-Médecin, une voiture siglée police municipale descend le long des rails du tram’. Ici comme aux Moulins, pas âme qui vive. Une ville fantôme.

Ce n’est que sur le port que la patrouille croise la première preuve de vie.

Une femme en bottines, jupe et veste noires. « Je vais faire des courses dans une épicerie ouverte toute la nuit. » Avec beaucoup de pédagogie, le policier lui rappelle le couvre-feu. Aller faire ses courses est interdit. Elle doit retourner chez elle.

Quelques minutes plus tard, rebelote. Le long du Negresco, une autre ombre sort de la nuit. « Non, je ne sais pas quelle heure il est. » L’homme, la soixantain­e, cheveux blancs, veste matelassée, semble un peu désorienté par le confinemen­t. Lui aussi partait acheter deux ou trois bricoles dans l’épicerie du coin. Lui aussi fera demitour.

sous réserve de détention d’une attestatio­n de déplacemen­t dérogatoir­e ou d’un justificat­if de déplacemen­t profession­nel.

◗ pour motif de santé sous réserve de détention d’une attestatio­n de déplacemen­t dérogatoir­e.

◗ pour l’assistance des personnes vulnérable­s ou la garde d’enfants sous réserve de détention d’une attestatio­n Pendant ce temps, en lisière du quartier des Moulins, une voiture file sous nos yeux. La capitaine de police sort le gyrophare magnétique, le plaque sur le toit. Quasiment dans le même mouvement, elle abaisse le pare-soleil « Police ». « Bonsoir Monsieur, vous allez où ? » Silence gêné. L’homme au volant est comptable. Il ne rentre à l’évidence pas dans la catégorie des profession­s prioritair­es. « Dans la mesure de confinemen­t, vous comprenez quoi ? Que faites-vous dehors ? », lance sèchement le policier. Le conducteur bredouille une réponse à côté de la plaque. Il se promenait. « Qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans le mot confinemen­t

Quelles amendes ?

La violation des dispositio­ns de l’arrêté sera punie d’une amende de  euros, majorée à  euros. En coordinati­on avec les autorités françaises, la principaut­é de Monaco a mis en place sur son territoire », s’énerve le policier. Derrière lui, un collègue garde en protection la main sur son arme de service. Le contrôlé n’a pas un seul papier sur lui. « Bon, allez, mettez-lui un PV. » 135 euros d’amende.

Nice la belle, Nice la vibrionnan­te, était samedi soir plongée dans le coton. Pas un bruit, pas un véhicule, pas un piéton. Angoissant, comme un film de science-fiction de Ridley Scott. Mais finalement tellement rassurant.

Là, derrière ces fenêtres, des centaines de milliers de personnes sacrifient leur liberté pour sauver des vies. Se le dire, y penser, c’est tout simplement magnifique.

Cagnes-sur-Mer, Grasse, Le Cannet, Menton, SaintLaure­nt-du-Var, Vallauris-GolfeJuan, Mandelieu- la-Napoule, Mougins, Vence, Villeneuve-Loubet, Beausoleil, Valbonne, Roquebrune­Cap-Martin, Carros et La Trinité.

◗ Les communes du littoral de moins de   habitants : Théoule-sur-mer, Villefranc­he-surmer, Saint-Jean-Cap-Ferrat, Beaulieu-sur-Mer, Eze et Cap-d’Ail.

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(Photos Cyril Dodergny) Samedi soir dans les rues de Nice, peu après l’instaurati­on du couvre-feu.
 ?? (Photo G. L.) ?? En lisière du quartier des Moulins à Nice, classé en ZSP, contrôle de police, main sur l’arme de service.
(Photo G. L.) En lisière du quartier des Moulins à Nice, classé en ZSP, contrôle de police, main sur l’arme de service.
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Une des rares personnes dehors.
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Retour à la maison, sans faire les courses.

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