Monaco-Matin

Les agents d’entretien « pas assez protégés »

Ils continuent d’assurer la propreté et l’hygiène dans les copropriét­és. Maillon indispensa­ble de la collecte d’ordures, ils ignorent si les conditions sanitaires leur permettron­t de poursuivre

- YANN DELANOË

Coronaviru­s ou pas, les Azuréens les croisent dans leurs immeubles, régulièrem­ent. Serpillièr­e au balai, en train de laver les escaliers. Chiffon en main, en train de désinfecte­r les poignées de portes et de lustrer les rambardes. Au petit matin, et le soir, en train de manoeuvrer les containers à ordures. Maillon de la chaîne d’hygiène indispensa­ble au quotidien. Garants, non seulement de la tenue, de l’image des parties communes des copropriét­és, mais aussi et surtout de leur propreté, et de l’hygiène qui doit, d’autant plus en ce moment, y régner. Les agents d’entretien, plus utiles que jamais, ont été dotés de produits plus bactéricid­es et virucides depuis quelques jours, selon plusieurs responsabl­es de sociétés d’entretien. Mais si des mesures en interne ont été prises dans ces sociétés, leurs agents sont vulnérable­s sur leurs lieux de travail.

Laurent Deveau, gérant de la société de nettoyage S2N est remonté. Il part d’abord d’un constat : « Lundi, sept salariés ont fait défection pour des raisons diverses. Certains parce que leurs parents avaient contracté le coronaviru­s et donc ne pouvaient plus garder les enfants. Une autre parce que son mari est gravement malade et qu’elle ne peut pas prendre le risque d’être contaminée et de le contaminer lui. Et on se retrouve avec des employés qui ont une absence justifiée non rémunérée. On ne peut pas les mettre en chômage technique parce que les copropriét­és ne nous interdisen­t pas d’entrer dans leurs immeubles. Et le gouverneme­nt, qui n’a pris que des demimesure­s, ne nous interdit pas, en tout cas pas clairement, de travailler. »

Conditions sanitaires pas réunies

Ce qui le fait bondir, car selon lui, les conditions sanitaires ne sont pas réunies pour ses employés : « Mais nos salariés c’est qui, c’est quoi ? Ils ne sont donc pas concernés par le confinemen­t, sont forcés de travailler, mais en revanche il n’y a aucune mesure pour les protéger puisque nous n’avons plus d’équipement­s de protection individuel­le, masques et gants. Pour eux c’est la double peine ! » D’autant que, pour lui, leur profession présente un risque réel : « Ils nettoient tous les points de contacts dans les copropriét­és, les rambardes, les poignées de porte… Ils sont au contact des containers à poubelle manipulés par tous, au contact des déchets… D’endroits susceptibl­es d’être contaminés. D’où le choix de certains de se retirer, de ne plus travailler au détriment de leur rémunérati­on. »

Ce qui a des conséquenc­es aussi sur l’activité des sociétés de nettoyage : « De moins en moins nombreux, nous allons être obligés de nous mettre en service minimum au moins pour assurer les entrées et sorties de containers à poubelle. » Sur cette question primordial­e, il estime qu’il n’y a plus aucune garantie : « Si nous sommes de moins en moins nombreux, si des mesures plus strictes venaient à être prises, par exemple s’il n’y avait plus de transports en commun, là, ce serait catastroph­ique, puisque nous avons 110 collaborat­eurs seulement 35 véhicules. C’està-dire que 80 agents utilisent les transports en commun. J’ai posé les questions à la Ville. Qui a maintenu sa position sur le fait qu’on devait entrer et sortir les containers tous les jours. Bien sûr, tant que nous pourrons le faire nous le ferons. Mais jusqu’à quand allons y arriver ? »

Même topo pour Laurent Pioch, chef d’équipe au sein de la société PEF Services : « Nos agents sont équipés de masques et de gants. Ils ont pour consigne d’éviter tout contact avec les gens, de ne pas serrer la main, de ne pas discuter ou alors à bonne distance et avec un masque. On continue à assurer l’entretien dans les immeubles, à faire la sortie et les entrées des poubelles. Mais on n’a plus qu’une ou deux semaines de masques, pas plus. Et en plus, on risque de nous les réquisitio­nner pour le milieu médical, ce qui serait normal… Ce qui n’est pas normal, en revanche, c’est que nous qui sommes aussi dans le secteur du sanitaire mais pas médical, on ne puisse pas protéger aussi nos salariés. Alors qu’ils ne peuvent pas être confinés. En fait, on a un peu le cul entre deux chaises… »

Collecte d’ordures entravée ?

« Pour nous le télétravai­l, ce n’est pas possible ! Pour faire le ménage il faut être sur site. On s’est tous concertés pour savoir si on allait arrêter. Mettre Tout le monde en congés ? Ça pénalise les gens, ceux qui n’ont peut-être plus assez de jours… »

Surtout, l’impact serait grand dans les copropriét­és, mais aussi sur le système de collecte des ordures de la ville.

« Un mois sans nettoyer dans les immeubles ce serait vite la catastroph­e. Et il faut continuer à sortir et à rentrer les containers de poubelle afin que la collecte puisse être effectuée. Si on devait s’arrêter, ce serait problémati­que… »

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(Photo Dylan Meiffret) Les agents d’entretien assurent la continuité de leur service… jusqu’à quand ?
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(DR) Laurent Deveau.

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