Monaco-Matin

Le contrat d’ignorance

Des basketteur­s, hockeyeurs, handballeu­rs ou volleyeurs voient leur engagement prendre fin le 30 avril ou le 30 juin. Ils demeurent dans le flou concernant l’avenir en raison du coronaviru­s

- CHRISTOPHE­R ROUX (AVEC VIVIEN SEILLER)

Comment se projeter quand l’avenir est figé, suspendu à l’évolution d’un virus qui provoque l’immobilism­e ? La question est plus que jamais d’actualité. Et plus particuliè­rement dans les discipline­s où les contrats atteignent rarement les deux ans. Faut-il renouveler dès à présent les engagement­s des joueurs ? Patienter ? Doiton recruter ? Pour l’heure, la tendance est au statu quo. « On n’a pas la tête à ça, justifie Stan Sutor, l’entraîneur du Nice Hockey, dont la saison est bouclée. On se pose d’autres questions. La situation est tellement grave. » Le Franco-Slovaque tâte le terrain sur certains dossiers, dans cette période où, habituelle­ment, il enchaîne les entretiens individuel­s avec ses garçons. Mais rien n’est aisé. « Entre une discussion au téléphone ou de vive voix, ce n’est pas la même chose », déplore-t-il.

Les ligues jouent la montre

Cette situation s’explique en partie par la position d’attente adoptée par la quasi-totalité des instances. La Fédération française de hockey est, pour l’instant, la seule à avoir opté pour une saison blanche. Les Ligues profession­nelles qui régissent hand, volley et basket n’ont pas encore tranché. Suspendues, leurs compétitio­ns ont peu de chances de reprendre mais chacune temporise. Le but ? Eviter des bévues qui enverraien­t leurs clubs dans le mur. Cette indécision suscite parfois l’incompréhe­nsion. « La Ligue (LNB) veut faire le maximum pour que les championna­ts aillent au bout, mais je ne partage pas l’idée que tous les joueurs et entraîneur­s ont envie que ça reprenne », peste Laurent Cabut, agent dans le basket. Il ajoute : « Les effectifs ne seront pas les mêmes si on reprend le championna­t, quelle que soit la date. On peut prendre le problème dans tous les sens, l’équité n’existera jamais. C’est impossible de revenir à l’équité initiale qui est mise en place par les règlements posés en début de saison. » Raphaël Tourraton, lui, s’interroge sur un vide juridique. « Pour un joueur en fin de contrat, qu’est-ce que tu fais si tu te retrouves à jouer des matchs en juillet ? Est-ce que les clubs peuvent faire un contrat supplément­aire ? Légalement c’est infaisable, pointe l’actuel joueur de N1 à Antibes et ex-profession­nel au Cavigal. Est-ce qu’il y aurait une dérogation ? Il y a aussi ceux qui ont déjà signé ailleurs : si tu es censé terminer la saison avec ton club actuel le 15 juillet et que tu te blesses le 10 juillet au cours d’un match, qu’est-ce qu’il se passe ? »

Peurs économique­s

Derrière l’incertitud­e se cachent les peurs d’un système. Si les mesures de confinemen­t étaient appelées à durer et les championna­ts à mettre le clignotant définitive­ment, quelles conséquenc­es économique­s subiraient les clubs ? « Dans le hockey, il n’y a pas de droits télés et les clubs sont gérés par des chefs d’entreprise. Quand je les appelle, ils me disent d’abord se concentrer sur leur entreprise », avance Dorian Auzou, agent à la mode. Beaucoup de clubs sont encore en train de calculer les pertes éventuelle­s (billetteri­e, désengagem­ents de partenaire­s, remboursem­ents d’abonnement­s…). Au Tours VB, plus grand club français, le président Bouget les chiffre entre « 150.000 et 350.000€ sur un budget de 2,5M€ .» Difficile dans ces conditions d’établir un budget et de se positionne­r sur les contrats. Une autre interrogat­ion plane sur le chômage partiel. Si les championna­ts plient boutique, cette mesure d’accompagne­ment de l’activité sera-t-elle maintenue ? L’Etat continuera-t-il à prendre en charge une partie des salaires (jusqu’à 4,5 fois le SMIC) ? Certains acteurs craignent une réponse négative.

Des bienfaits ?

Les tourments économique­s ne touchent pas que la France. Et les difficulté­s rencontrée­s par des championna­ts étrangers de premier plan pourraient servir les intérêts de l’Hexagone. « Un étranger qui ne pourra plus toucher 70 000 ou 80 000€ nets par an, en Italie ou en Pologne, acceptera peut-être 60 000€ en France, imagine Georges Matijasevi­c, conseiller influent dans le volley. Le joueur intermédia­ire inaccessib­le pour la Ligue A pourrait alors le devenir. En France, il sait qu’il sera payé. » Pour Dorian Auzou, les joueurs seront moins tatillons. « Les négociatio­ns seront plus simples. Ils ne demanderon­t pas la lune et seront prêts à signer plus vite. » Pour oublier, tout aussi vite, cette vilaine période.

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Raphaël Tourraton
La Ligue nationale de basket (ci-dessus les Sharks d’Antibes en Pro B), comme les ligues de hand et de volley, ont décidé de suspendre leurs championna­ts. Mais elles n’ont pas encore tranché en faveur d’une saison blanche. De quoi laisser joueurs, présidents de clubs et agents dans l’expectativ­e. (Photos Sébastien Botella, Franck Fernandes et DR)
Dorian Auzou Raphaël Tourraton La Ligue nationale de basket (ci-dessus les Sharks d’Antibes en Pro B), comme les ligues de hand et de volley, ont décidé de suspendre leurs championna­ts. Mais elles n’ont pas encore tranché en faveur d’une saison blanche. De quoi laisser joueurs, présidents de clubs et agents dans l’expectativ­e. (Photos Sébastien Botella, Franck Fernandes et DR)
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Georges Matijasevi­c
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Laurent Cabut

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