Une dizaine de soignants du CHU de Nice contaminés
Ils ont contracté le Covid-19 dans un cadre professionnel ou privé. Aucun cas sévère n’a été enregistré. Outre des masques, les soignants azuréens réclament des tests systématiques
Au téléphone, une vilaine toux ponctue certaines de ses phrases. Toux, fièvre, fatigue, maux de tête : Marie (1) ne compte pas parmi les malades du Covid-19 officiellement recensés, mais elle en présente tous les symptômes. Alors, mercredi dernier, elle s’est « confinée seule, sans [s] a famille, sans [s] es enfants. » Problème supplémentaire : Marie est infirmière au CHU de Nice. Médecins, infirmières, aides-soignants… Eux aussi sont frappés par l’épidémie de coronavirus. Et certains en paient le prix fort. Depuis ce week-end, cinq médecins sont tombés au champ d’honneur de la « guerre » contre le coronavirus. Un urgentiste dans l’Oise. Et quatre praticiens du Grand-Est. Sur la Côte d’Azur, pas de drame similaire à ce jour. Mais « les agents vont travailler avec la boule au ventre », dixit Michel Fuentes, secrétaire général FO du centre hospitalier universitaire de Nice. Dans les Alpes-Maritimes, les contaminations ne sont plus rares chez les soignants. À défaut de chiffres départementaux, citons deux indicateurs. Au centre de régulation du 15, le Dr Luc Terramorsi a listé huit cas de confrères testés positifs, « au minimum ». Au CHU, le secrétaire général CGT Stéphane Gauberti recense « une petite dizaine de personnels soignants contaminés. Mais ça va exploser... » Sollicitée par Nice-Matin, la directrice du pôle ressources humaines du CHU confirme une dizaine de cas. « La communauté hospitalière est le reflet de la population générale. Il serait illusoire de penser que les hospitaliers seront épargnés », admet Karine Hamela.
Consignes fluctuantes
Marie, notre infirmière confinée, ne peut savoir avec certitude si elle souffre du Covid-19. « C’est probablement ça », a conclu le premier médecin qui l’a auscultée. D’emblée, Marie s’est « mise en relation avec la médecine préventive, étant donné que je suis personnel soignant. Mais les recommandations changent d’une heure à l’autre. » Selon son récit, Marie a scrupuleusement suivi les directives internes. Un médecin l’aurait d’abord contactée en vue de réaliser le fameux test. Le lendemain, changement de consigne. « Ils me disent que les seuls personnels dépistés sont ceux des réanimations, des urgences, des unités d’oncologie et là où se trouvent des patients immunodéprimés. » Un nouveau rendezvous est pris. À nouveau annulé. « C’est une grosse blague ! » Pourtant, la situation ne prête guère à rire. Marie vit confinée seule, en mode système D. «J’aila chance d’habiter près de chez mes parents. Ils me livrent un repas sur de la vaisselle jetable, qu’ils me déposent devant une baie vitrée. »
Mais ce n’est pas la perspective de manger froid qui l’inquiète. Plutôt le manque d’équipement, que dénoncent depuis une semaine les soignants de la France entière. « La priorité, ce sont les masques. »
Nouvelles directives hier
Hier, une note interne au CHU a répondu aux attentes. En partie. Le port du masque est désormais obligatoire pour tous, professionnels et patients. Avec des variantes selon les services. « Un masque chirurgical par jour, alors qu’il faut le changer toutes les quatre heures, nuance Stéphane Gauberti. Je n’incrimine pas le CHU sur les masques FFP2. Mais normalement, sur les secteurs Covid, on devrait être équipé comme des cosmonautes. On ne parle plus d’une “grippette”, là. C’est comme si vous envoyiez un pompier au feu sans casque ni lance incendie ! » Même métaphore guerrière chez FO. « La France est en guerre et nous, on est de la chair àcanon» , fulmine Michel Fuentes.
Protéger les autres aussi
Hier, la direction du CHU a annoncé aux syndicats la généralisation des tests pour tous les personnels présentant des symptômes. Eux les veulent systématiques. Pour leur sécurité. Pour leurs proches. Pour les patients. Et pour l’offre de soins hospitaliers. « Dès lors qu’il y a des patients à risque, il faut tester le personnel aussi. Question de sécurité nationale, estime Michel Fuentes. On était déjà à effectifs réduits. Si nous on ne se protège pas, comment protéger les autres ? »
Après les premiers décès de soignants en France, le Dr Hervé Caël éprouve « un grand sentiment de tristesse et de révolte ». Pour le secrétaire général de l’Ordre régional des médecins, « le temps n’est pas à la polémique ». Mais la crise du Covid-19, selon lui, amènera à repenser le monde de la santé. « En termes de sécurité, le 11-Septembre a changé le monde entier. En termes sanitaires, je pense qu’il y aura un avant et un après 2020. » 1. Prénom modifié afin de préserver son anonymat.