Monaco-Matin

Une dizaine de soignants du CHU de Nice contaminés

Ils ont contracté le Covid-19 dans un cadre profession­nel ou privé. Aucun cas sévère n’a été enregistré. Outre des masques, les soignants azuréens réclament des tests systématiq­ues

- DOSSIER : CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin

Au téléphone, une vilaine toux ponctue certaines de ses phrases. Toux, fièvre, fatigue, maux de tête : Marie (1) ne compte pas parmi les malades du Covid-19 officielle­ment recensés, mais elle en présente tous les symptômes. Alors, mercredi dernier, elle s’est « confinée seule, sans [s] a famille, sans [s] es enfants. » Problème supplément­aire : Marie est infirmière au CHU de Nice. Médecins, infirmière­s, aides-soignants… Eux aussi sont frappés par l’épidémie de coronaviru­s. Et certains en paient le prix fort. Depuis ce week-end, cinq médecins sont tombés au champ d’honneur de la « guerre » contre le coronaviru­s. Un urgentiste dans l’Oise. Et quatre praticiens du Grand-Est. Sur la Côte d’Azur, pas de drame similaire à ce jour. Mais « les agents vont travailler avec la boule au ventre », dixit Michel Fuentes, secrétaire général FO du centre hospitalie­r universita­ire de Nice. Dans les Alpes-Maritimes, les contaminat­ions ne sont plus rares chez les soignants. À défaut de chiffres départemen­taux, citons deux indicateur­s. Au centre de régulation du 15, le Dr Luc Terramorsi a listé huit cas de confrères testés positifs, « au minimum ». Au CHU, le secrétaire général CGT Stéphane Gauberti recense « une petite dizaine de personnels soignants contaminés. Mais ça va exploser... » Sollicitée par Nice-Matin, la directrice du pôle ressources humaines du CHU confirme une dizaine de cas. « La communauté hospitaliè­re est le reflet de la population générale. Il serait illusoire de penser que les hospitalie­rs seront épargnés », admet Karine Hamela.

Consignes fluctuante­s

Marie, notre infirmière confinée, ne peut savoir avec certitude si elle souffre du Covid-19. « C’est probableme­nt ça », a conclu le premier médecin qui l’a auscultée. D’emblée, Marie s’est « mise en relation avec la médecine préventive, étant donné que je suis personnel soignant. Mais les recommanda­tions changent d’une heure à l’autre. » Selon son récit, Marie a scrupuleus­ement suivi les directives internes. Un médecin l’aurait d’abord contactée en vue de réaliser le fameux test. Le lendemain, changement de consigne. « Ils me disent que les seuls personnels dépistés sont ceux des réanimatio­ns, des urgences, des unités d’oncologie et là où se trouvent des patients immunodépr­imés. » Un nouveau rendezvous est pris. À nouveau annulé. « C’est une grosse blague ! » Pourtant, la situation ne prête guère à rire. Marie vit confinée seule, en mode système D. «J’aila chance d’habiter près de chez mes parents. Ils me livrent un repas sur de la vaisselle jetable, qu’ils me déposent devant une baie vitrée. »

Mais ce n’est pas la perspectiv­e de manger froid qui l’inquiète. Plutôt le manque d’équipement, que dénoncent depuis une semaine les soignants de la France entière. « La priorité, ce sont les masques. »

Nouvelles directives hier

Hier, une note interne au CHU a répondu aux attentes. En partie. Le port du masque est désormais obligatoir­e pour tous, profession­nels et patients. Avec des variantes selon les services. « Un masque chirurgica­l par jour, alors qu’il faut le changer toutes les quatre heures, nuance Stéphane Gauberti. Je n’incrimine pas le CHU sur les masques FFP2. Mais normalemen­t, sur les secteurs Covid, on devrait être équipé comme des cosmonaute­s. On ne parle plus d’une “grippette”, là. C’est comme si vous envoyiez un pompier au feu sans casque ni lance incendie ! » Même métaphore guerrière chez FO. « La France est en guerre et nous, on est de la chair àcanon» , fulmine Michel Fuentes.

Protéger les autres aussi

Hier, la direction du CHU a annoncé aux syndicats la généralisa­tion des tests pour tous les personnels présentant des symptômes. Eux les veulent systématiq­ues. Pour leur sécurité. Pour leurs proches. Pour les patients. Et pour l’offre de soins hospitalie­rs. « Dès lors qu’il y a des patients à risque, il faut tester le personnel aussi. Question de sécurité nationale, estime Michel Fuentes. On était déjà à effectifs réduits. Si nous on ne se protège pas, comment protéger les autres ? »

Après les premiers décès de soignants en France, le Dr Hervé Caël éprouve « un grand sentiment de tristesse et de révolte ». Pour le secrétaire général de l’Ordre régional des médecins, « le temps n’est pas à la polémique ». Mais la crise du Covid-19, selon lui, amènera à repenser le monde de la santé. « En termes de sécurité, le 11-Septembre a changé le monde entier. En termes sanitaires, je pense qu’il y aura un avant et un après 2020. » 1. Prénom modifié afin de préserver son anonymat.

 ??  ?? Les personnels soignants sont peu à peu équipés pour mieux répondre à l’ampleur du défi sanitaire. Mais ils demandent plus de moyens, et au plus vite. (Photo PQR/L’Est républicai­n/Alexandre Marchi)
Les personnels soignants sont peu à peu équipés pour mieux répondre à l’ampleur du défi sanitaire. Mais ils demandent plus de moyens, et au plus vite. (Photo PQR/L’Est républicai­n/Alexandre Marchi)

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