Ruée sur le Plaquenil : inquiétude et pénurie
Présenté par certains comme le médicament miracle contre le coronavirus, le Plaquenil commence à manquer dans les officines azuréennes. Patients et professionnels de santé tirent la sonnette d’alarme
Mathilde est cannoise. Elle a 62 ans et, depuis 2012, elle se bat au quotidien contre une maladie auto-immune qui risque de la clouer dans un fauteuil roulant. Mathilde est atteinte de polyarthrite rhumatoïde. Une pathologie traitée au quotidien par la prise de Plaquenil ou hydroxychloroquine, la fameuse molécule testée sur des patients atteints du coronavirus par le chercheur marseillais Didier Raoult. Les prises de parole de ce scientifique relayées par des personnages publics tels que Christian Estrosi divisent depuis plusieurs jours la communauté scientifique. Mais certains médecins n’hésiteraient plus à prescrire du Plaquenil. Avec ou sans ordonnance des patients inquiets se pressent désormais aux portes des officines pour qu’on leur en délivre.
Mathilde en a fait l’amère expérience dès mercredi dernier. « Lorsque je suis allée renouveler mon traitement comme chaque mois, mon pharmacien m’a expliqué qu’il n’avait plus de Plaquenil, témoigne la sexagénaire cannoise. Ils étaient déjà en rupture de stock et ne pouvaient pas être approvisionnés. Il m’a été conseillé de faire le tour des pharmacies pour essayer d’en trouver!» Mathilde ne veut pas s’y résoudre « compte tenu du contexte » : « ce serait multiplier les contacts et prendre le risque d’attraper le virus. » Pourtant il ne lui reste qu’une demiboîte de la précieuse molécule. Après ? « Les douleurs reviendront. Des douleurs atroces dans toutes les articulations. Je ne pourrai plus bouger. Je serai clouée dans au lit… »
Vers l’hôpital ?
Pour éviter d’en arriver là, son médecin traitant, que Mathilde a appelé à l’aide hier, va sans doute devoir se tourner vers l’hôpital. Le Dr Renaud Ferrier, membre de l’Union régionale des professionnels de santé en médecine libérale (URPS-ML), ne cache pas sa colère. « Quitte à ne pas se faire que des amis », il pointe du doigt « certains confrères du bassin cannois » et « un certain nombre de pharmacies » qui, aujourd’hui, « n’hésitent pas à procéder à des prescriptions ou à des délivrances inappropriées de Plaquenil. Ce qui va à l’encontre de la loi ! »
Coup de gueule des professionnels
Dans un communiqué conjoint, «les Unions régionales des professionnels de santé médecins libéraux, pharmaciens et biologistes médicaux de la région Paca » tirent d’ailleurs la sonnette d’alarme et « s’inquiètent de voir de plus en plus de Français se présenter en pharmacie pour se procurer des médicaments à base de chloroquine ou faire la queue devant hôpitaux et laboratoires pour tenter de se faire dépister. Ces comportements sont à l’origine d’attroupements voire de mouvements de foules qui vont à l’encontre des consignes sanitaires de confinement. Autant de situations qui, selon eux, fragilisent dangereusement et inutilement l’équilibre du système de soins… » Et risquent de mettre en danger des patients. Ceux qui, comme Mathilde, atteints de polyarthrite rhumatoïde ou encore de lupus ont besoin de prendre du Plaquenil au quotidien. Mais aussi ceux qui le prendraient dans de mauvaises conditions en pensant se prémunir contre le coronavirus. Car ce n’est pas un médicament anodin. Là encore Mathilde peut en témoigner : « S’il nous aide dans notre vie de tous les jours, le Plaquenil nous oblige à un suivi médical très strict comme faire très régulièrement des analyses et des électrocardiogrammes. »