Monaco-Matin

Cannes, le coup de gueule d’Ernest contre les banques

Le traiteur cannois dénonce les difficulté­s à obtenir un prêt immédiat, alors qu’il en a besoin pour payer son personnel au chômage technique et faire tourner son enseigne

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

D’habitude, il a plutôt l’âme poète, Michel Ernest. Pour être traiteur, il n’en est pas moins esthète. Et ses clients se régalent aussi de sa prose, qui accompagne chaque mois la carte de ses menus. Nourriture du ventre comme de l’esprit... Mais là, c’est à l’égard des banques que le commerçant réserve un langage pour le moins « fleuri ». Avec parfois des propos que la décence nous interdit de rapporter. Mais que l’urgence de la situation pourrait presque justifier.

« En attendant les aides promises par l’État, c’est toujours moi qui doit avancer tous les frais. J’ai réclamé un prêt bancaire, mais pas moyen de l’obtenir immédiatem­ent. On me dit qu’on est conscient de mes difficulté­s, mais on se donne encore le temps de réfléchir ! ».

Situation d’urgence

C’est qu’il est bien énervé, Michel. Voilà plusieurs semaines que celui qui fait les délices de nombreuses réceptions et mondanités voit ses contrats tomber un à un, au fil des manifestat­ions (MIpim, CanneSérie­s, MipTV, Festival de Cannes, Lions...) annulées ou reportées. « Rien que le Mipim, c’est 300 000 euros de manque à gagner », précise-t-il.

Contrairem­ent à certains de ses confrères, ce traiteur de la troisième génération Ernest a la « chance » de disposer encore de deux magasins ouverts le matin rue Meynadier, qui lui permettent de maintenir un peu d’activité.

Mais pas assez. Surtout lorsqu’on doit faire vivre 35 employés, dont 25 ont déjà dû être placés en chômage technique. « Bien sûr, on fait rentrer un peu d’argent, mais on réalise 40 % de moins que ce qu’on engrange d’habitude, et la trésorerie est vide, souligne Michel.

Si je n’ai pas de quoi payer les salaires de mes employés, qu’est-ce que je vais leur dire moi ? Comment ils vont manger ? Aujourd’hui, les banques nous font patienter, alors qu’en 2008, quand il a fallu les renflouer, nous, on a mis la main à la poche sans rechigner ! »

« Un plan Marshall » !

Aujourd’hui, lui préférerai­t qu’on l’aide davantage à mettre la main à la pâte. Excédé par des délais trop longs pour un prêt, dans l’attente des promesses financière­s de l’État Providence, Michel était l’un des premiers à avoir réclamé « un véritable plan Marshall pour les entreprise­s les plus impactées par cette crise, notamment tous ces métiers qui, derrière le personnel soignant, sont aussi en première ligne pour servir les gens ». L’urgence est d’autant plus vive et l’amertume d’autant plus virulente, qu’Ernest avait encore des petites traites à payer pour un autre crédit, « et là, ils n’ont pas manqué de prélever les échéances...».

 ??  ?? Michel Ernest s’efforce de faire encore tourner boutiques tous les matins du mardi au dimanche inclus. Mais comme pour ses produits, il a besoin d’argent frais ! (Photo Patrice Lapoirie)
Michel Ernest s’efforce de faire encore tourner boutiques tous les matins du mardi au dimanche inclus. Mais comme pour ses produits, il a besoin d’argent frais ! (Photo Patrice Lapoirie)

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