Licenciées à Monaco : « C’est violent et injuste ! »
En pleine épidémie de coronavirus, une société monégasque a licencié trois salariées, avant de leur proposer de les garder le temps de la crise. L’une d’elles raconte le choc de ces annonces
Lundi 16 mars 2020. Premier jour de fermeture des établissements scolaires. C’est aussi la veille du confinement général. En France et à Monaco, on se prépare à traverser une période inédite, complexe. On réalise que la crise sanitaire est sans précédent depuis un siècle.
Ce jour-là, une cadre de la société Monaco Resources Group arrive sur son lieu de travail, à Fontvieille. Elle s’est organisée pour que sa bellemère vienne garder ses enfants à la maison. La veille, le dimanche, comme les 56 autres employés de cette holding, cette Française, maman de deux enfants de 3 et 5 ans, a reçu un mail de son employeur indiquant que des mesures seraient prises « pour mettre en place une organisation viable afin de traverser la crise actuelle », indique-t-elle, le mail sous les yeux.
« Mon licenciement immédiat »
Christine s’attend à tout
(1) saufàça: « À l’issue d’une réunion sur la crise du Covid-19, Mme Mitri-Younès [la présidente de la holding, ndlr] m’a convoquée pour m’annoncer mon licenciement immédiat sur le fondement de l’article 6 (2). Elle a ajouté qu’elle ne s’était pas rendu compte des proportions que prenait la crise et qu’elle allait devoir dégager certains employés. » Christine est abasourdie. « Je travaille en Principauté depuis 2001, et au sein de Monaco Resources Group depuis un an. Ma hiérarchie ne m’a jamais manifesté le moindre mécontentement, ne s’est jamais plainte de mon travail ni de mes performances. »
La salariée découvre qu’elle n’est pas la seule à se voir signifier son licenciement surle-champ. Deux autres femmes ont subi le même sort, le même jour. L’une d’elles, depuis, a été provisoirement réintégrée dans son poste, mais pas de façon définitive, comme nous l’avons découvert hier (lire ci-contre).
« On a un minimum de fierté »
À ces trois licenciements « article 6 » s’ajoutent l’arrêt soudain d’une période d’essai et la suspension des contrats de deux consultants. Une septième personne aurait, enfin, été placée en chômage technique. « C’est violent, choquant et injuste, s’insurge Christine. On a tous une famille, un crédit et un minimum de fierté. »
Depuis ce funeste lundi 16 mars, plus de nouvelles de son entreprise. Jusqu’à ce mail reçu hier, quelques minutes après la discussion que nous avons eue avec Christine. Celle-ci se voit d’abord rappeler son licenciement « pour des motifs personnels antérieurs à la crise sanitaire que nous traversons ». « Au vu de la situation actuelle, poursuit sa direction, nous avons décidé de prolonger votre préavis jusqu’à la fin de cette crise sanitaire. Votre salaire est donc maintenu pendant cette période. »
Une fleur ? « Je suis toujours licenciée alors qu’ils n’ont jamais eu à se plaindre de moi. Ils se fichent de nous », s’agace Christine…
Ces licenciements ont ému les élus, réunis jeudi soir au Conseil national. Ils ont appelé l’Inspection du Travail à faire preuve d’une vigilance accrue concernant les licenciements régis par l’article 6 de la loi n° 729. Sollicitée, la direction de Monaco Resources Group s’est fendue d’une réponse à la sobriété déconcertante : « Nous avons la responsabilité de plus de 6 000 employés à travers le monde dont plus de 50 à Monaco. Notre priorité est de pérenniser ces emplois en maintenant opérationnelles nos infrastructures reconnues stratégiques par tous les États. À Monaco, tous nos employés
sont en télétravail et nous avons pris des mesures d’accompagnement pour les trois personnes citées. »
Les sept collaborateurs de Monaco Resources Group apprécieront. 1. 2.L’article6duCodedutravailmonégasque prévoit que la relation de travail peut être rompue par la volonté de l’une ou l’autre des parties et sans l’évocation d’un motif.