Monaco-Matin

Stéphane Valeri veut un test pour tous à Monaco

Dans un contexte institutio­nnel toujours tendu et marqué par une nouvelle interventi­on du Prince, le président du Conseil national avance ses propositio­ns pour traiter la crise dans le pays

- PROPOS RECUEILLIS PAR CEDRIC VERANY cverany@monacomati­n.mc

La guerre institutio­nnelle n’aura pas lieu ? Au sortir de la première réunion du comité de suivi entre le gouverneme­nt et les élus pour échanger sur la crise du Covid-19, on pensait les tensions apaisées. Hier matin, le président du Conseil national (le parlement monégasque), Stéphane Valeri, qualifiait la réunion de lundi d’« apaisée et constructi­ve ». C’était avant qu’un communiqué du Palais princier, vers 16 heures, ne recadre l’attitude des élus (lire page précédente). Pour autant le président Valeri entend continuer d’alimenter le débat avec les propositio­ns des élus pour accompagne­r le pays dans cette situation inédite.

Lors de la réunion, vous avez proposé que l’État mette à dispositio­n des masques pour tous ?

En effet, outre les besoins du personnel soignant, cette pénurie de masques n’est pas acceptable pour tous ceux qui sont au contact d’autres personnes : commerçant­s, policiers, aidants. Plus largement, nous demandons, pour la rassurer, que toute la population soit équipée de masques dans les meilleurs délais.

Vous plaidez aussi pour l’achat de tests. Ce serait efficace à votre sens ?

Oui, l’Organisati­on mondiale de la Santé dit et répète de tester la population. Nous demandons au gouverneme­nt d’acheter des tests sérologiqu­es, comme ceux proposés en Allemagne ou en Italie, que l’on réalise en se piquant le bout du doigt et que l’on peut faire en urgence, soimême. Ces tests, il en faut deux par personne. En cas de contact avec le virus dans un délai de sept jours, le premier test détecte la positivité dans plus de  % des cas. Si le premier test est négatif, il faut toutefois le vérifier une semaine plus tard, pour confirmer le résultat.

Qui doit être testé ?

L’ensemble des   habitants de la Principaut­é et tous les salariés actifs qui viennent travailler à Monaco. Soit environ moins de   personnes. Il nous faut donc un peu moins de   tests qui peuvent arriver dans les prochains jours si on les commande maintenant.

Cela permettrai­t d’isoler les cas avérés. La Corée du Sud et l’Allemagne ont appliqué cette méthode efficace. Nous pouvons être un exemple, étant donné la taille du pays, pour être plus réactifs que de grandes nations. Nous ne sommes pas obligés de suivre toujours la France, avec du décalage.

Le traitement à la chloroquin­e doit-il être généralisé selon vous ?

Sur ce dossier, il fallait bien se caler sur le décret français qui est parfait, se limitant à la prescripti­on hospitaliè­re. Il est important qu’un arrêté ministérie­l fixe les mêmes règles en Principaut­é.

L’État manque-t-il d’anticipati­on dans cette crise ?

Au Conseil national, nous nous sommes mis en alerte dès le  février, quand la crise a touché l’Italie. Et nous avons demandé depuis plusieurs semaines au gouverneme­nt d’avancer ensemble. Dans la concertati­on en amont, le gouverneme­nt a perdu du temps, c’est incontesta­ble. Mais le temps n’est pas à la polémique, les institutio­ns sont en ordre de marche et c’est positif. Dans une période aussi difficile pour les pays, les crispation­s institutio­nnelles n’ont pas leur place. Ce que nous voulons, c’est que personne ne soit en difficulté tant que durera la crise.

Quelle réponse apportez-vous à ceux qui vous reprochent de créer la polémique et de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas ?

Je réponds que nos institutio­ns sont parfaites. Elles ont prévu depuis  l’existence d’une assemblée élue qui a un vrai pouvoir constituti­onnel. Il est fondamenta­l, pour l’équilibre de nos institutio­ns, que le gouverneme­nt s’appuie sur les élus pour avoir un relais des attentes et des besoins de la population. Si nous nous étions tus, les Monégasque­s et les résidents, à juste titre, se seraient dit qu’on n’avait pas fait notre travail, fait remonter les attentes, les réalités et les inquiétude­s réelles. Nous avons simplement joué notre rôle, en formulant des propositio­ns concrètes.

Justement, vous formulez de nombreuses propositio­ns. Lesquelles vous semblent les plus urgentes ?

Outre la commande de tests et de masques, nous avons demandé à M. Cellario de mieux contrôler les entrées de ville. Notre police est très performant­e, mais pas suffisamme­nt présente pour contrôler notamment des automobili­stes qui viennent faire leurs courses en Principaut­é. Il y a des supermarch­és partout à Menton, à Nice, en Italie. Si on ne réside pas en Principaut­é ou dans les communes limitrophe­s, il ne faut pas venir faire ses courses à Monaco, ça favorise la propagatio­n du virus. Respectons le confinemen­t le mieux possible.

Et dans le domaine social ?

Nous attendons que personne n’ait de difficulté financière en ce début du mois d’avril. Il faut que le CTTR soit versé sans délais par l’État aux entreprise­s pour les salariés. Et que des aides publiques directes parviennen­t à toutes les structures impactées par la crise. Il y a urgence ! D’où notre propositio­n de création d’un fonds d’interventi­on d’urgence de l’État qui soit abondé dans un premier temps à hauteur de  millions d’euros. Il faut injecter rapidement du cash dans l’économie. Pour les petits salaires, jusqu’à   euros, nous demandons aussi une mesure sociale, pour que les salariés ne touchent non pas  % mais  % de leurs revenus.

Quid des personnes licenciées ?

L’ensemble des élus a une position claire : nous voulons interdire tous les licencieme­nts pendant toute la durée de la crise. On ne peut pas continuer à voir ce qu’on a vu avec des articles  et des personnes qui n’ont aucune chance de retrouver un emploi et un salaire dans la situation actuelle. D’autant plus qu’une entreprise n’a aucune raison valable de licencier. Si elle met ses salariés au chômage technique, elle n’a plus un euro à payer avec les aides de l’État.

Quelle solution voulez-vous apporter pour les commerçant­s, inquiets, logés dans des locaux privés ?

Tout le monde va subir la crise : l’État, les salariés, les entreprise­s. Il faut aussi que les propriétai­res contribuen­t à l’effort général. Nous proposons que les bailleurs baissent les loyers commerciau­x de  % pendant trois mois. Ils devraient recevoir le paiement de  % du loyer et accorder un report pour les  % restants sur trois mois renouvelab­les. Pour les petits commerçant­s, dont le chiffre d’affaires est à zéro, nous préconison­s que l’État prenne en charge le loyer intégralem­ent.

Êtes-vous favorable à la prime de   euros pour les personnes mobilisées pendant cette crise ?

Elle nous tient à coeur. Pour chaque personne mobilisée dans les services de l’État et les sociétés concession­naires. Concernant le personnel soignant, nous demandons qu’ils touchent dès maintenant cette prime de   euros, et chaque mois pendant toute la durée de la crise. Ce sont eux qui sont au front, qui exposent le plus leur vie. Et je leur renouvelle mon soutien et mon respect.

Comment va s’organiser le travail législatif autour du budget de l’État dans les prochaines semaines ?

La loi de budget votée en décembre ne reflète plus la réalité de la situation dans laquelle nous sommes. Nous avons des dépenses considérab­les qui vont s’ajouter, des recettes revues drastiquem­ent à la baisse. Dans une quinzaine de jours, nous devrions examiner un budget rectificat­if de la loi de budget qui va permettre les ouvertures de crédit pour financer les premières mesures sanitaires, économique­s et sociales. Cette année, le déficit devrait être malheureus­ement de plusieurs centaines de millions d’euros. Ce qui veut dire que nous utiliseron­s une partie de notre Fonds de réserve constituti­onnel, créé pour faire face à ce genre de situation. Il sera nécessaire de l’utiliser pour protéger la population et relancer l’économie quand la reprise sera là.

« Nous sommes dans notre rôle »

Suite au communiqué du Palais, Stéphane Valeri a réagi et écrit : « Je tiens à rassurer chacun sur l’état d’esprit des  conseiller­s nationaux, unis comme le pays, pour affronter cette crise sans précédent. Comme le prince souverain, j’estime que les ambitions politiques n’ont pas leur place, en pareilles circonstan­ces. Le Prince est un chef d’État. Comme tous les chefs d’État, il est entouré de conseiller­s et s’appuie sur des ministres. Force est de constater que depuis le début de cette crise, certains ont donné des conseils à charge contre le rôle de la représenta­tion nationale, générant une crispation institutio­nnelle qui n’a pas lieu d’être. »

Un début de réponse qui met en cause l’entourage du souverain, lit-on entre les lignes ? Pour le président Valeri, l’assemblée est dans le rôle que lui confère la Constituti­on : « Nous faisons ce que nous demandent les Monégasque­s. Fidèle à ses engagement­s, le Conseil national, uni, continuera de jouer son rôle de ressource institutio­nnelle pour l’État. »

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(Photo Cyril Dodergny) Le président Stéphane Valeri.

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