La guerre du « Lol avance masquée
Alors que les gouvernements infléchissent leur position sur le port du masque, les internautes, via l’humour ou la provocation, ont bien anticipé : best of des « masques moqueurs du web »
La vérité est parfois ailleurs ! Pas de théorie du complot derrière cette assertion. Juste un constat. Alors que les gouvernements occidentaux, notamment la France, infléchissent leur position sur le port du masque, futil alternatif, les internautes, via l’humour ou la provocation, avaient, eux, largement anticipé, comme en témoigne ce best of des « masques moqueurs du web ». Professeur de sociologie de l’Université Côte d’Azur, Gérald Gaglio avec quelques confrères ont d’ailleurs décidé de travailler sur cette diffusion d’images de masques alternatifs et/ou loufoques qui est apparue bien avant que le port du masque ne redevienne une option sanitaire.
Que dit cette créativité de l’état d’esprit des internautes ?
Je vois défiler des centaines de posts de personnes masquées de façon excentrique, drolatique ou totalement loufoque – comme les « uniformes de protection sanitaire d’homme ou de femme scaphandre». Cela m’inspire deux commentaires. Ils tournent en dérision la situation sanitaire, comme pour se rassurer en niant quelque peu sa gravité. Ils n’ont d’autre objet que de faire rire afin de nous libérer du poids de l’anxiété.
Juste un déni du réel ?
Non certainement pas dès lors que ces masques sont souvent portés, non pas comme on le fait pour une performance artistique dans un univers clos – celui de la complicité – mais dans l’espace public. Ceux qui les exhibent ainsi cherchent clairement à rendre l’atmosphère moins lourde, mais participent aussi à exacerber le caractère anxiogène de notre quotidien sous l’emprise du Covid. Le rire donc, mais aussi l’anxiété face à l’inconnu de ce virus dont la propagation a pris de court toute la planète. Et si ce virus était aussi dans l’air ? S’il pouvait s’insinuer partout ?
L’outrance n’a-t-elle pas aussi une dimension politique ?
Nous avons trop peu de recul pour pouvoir l’affirmer. Il est vrai toutefois qu’il y a moins de deux semaines, le port du masque généralisé était moqué, à tout le moins exclu par les autorités politiques, voire sanitaires comme l’OMS. Cette vague d’humour, qui a recours aux registres de l’horreur et du grotesque, peut sous-tendre en effet une volonté provocatrice et subversive à l’égard des puissants et des pouvoirs en place. Mais ce que révèlent aussi ces images, c’est que toutes les bases de nos relations sociales, déjà bouleversées par le confinement, sont appelées à changer. Chacun en prend chaque jour un peu plus la mesure. Autour du port du masque – dont on se demande s’il sera pour longtemps une contrainte quotidienne -, une culture populaire autour de l’objet va inévitablement naître.