Tin-tin : « Je pense qu’on pourra tatouer le mai »
Le président du Syndicat national des artistes tatoueurs a récemment remis à l’Etat un protocole sanitaire dans le but, s’il est accepté, de pouvoir rouvrir les salons dès le début du déconfinement
Àl’autre bout du fil, sa voix rauque colle parfaitement avec la stature du bonhomme. La gouaille est affûtée, bâtie sur un vocabulaire ciselé. Et sa réputation n’est plus à faire. Constantin Vanderplume, alias Tintin, est de très loin le tatoueur français le plus connu de l’Hexagone. Président du Syndicat national des artistes tatoueurs (Snat) qu’il a fondé en 2003, ce quinqua au look de motard et au tempérament de rock-star subit le confinement à contresens de la cacophonie ambiante. Résolument optimiste, il a récemment soumis au gouvernement un protocole sanitaire (lire par ailleurs) stricte concernant un éventuel redémarrage des salons de tatouage en France… en attendant la suite.
Pourquoi cette initiative ?
Nous sommes en contact depuis longtemps avec les gouvernements qui se succèdent. Le problème, c’est que les rapports évoluent en fonction de qui est élu. Pour certains, vous pouvez envoyer dix lettres sans obtenir une réponse. Avec d’autres, ça se passe très bien. En par exemple, l’État a sorti un décret qui nous imposait le tout stérile. Ce qui était complètement ridicule. Il associait le tatouage avec le piercing, alors que ça n’a rien à voir. Nous avons réussi à mitiger tout cela et avons notamment coécrit les textes d’application de ce décret. Et ça s’est très bien passé. Tout ça pour dire que notre syndicat représente aujourd’hui plus de tatoueurs. On a des protocoles hygiéniques sur
D’emblée, le Snat prévient :
« le protocole repose sur trois principes : des précautions nouvelles pour le client, la limitation des contacts, et le renforcement des règles d’hygiène et de salubrité. » Après un rappel des risques de transmission, chaque principe est détaillé. En voici un résumé non exhaustif. . Précautions nouvelles pour le client : heures avant le rendezvous au plus tard, le client doit confirmer qu’il ne présente pas de symptômes du Covid- et n’a pas dans les jours été en contact avec une personne contaminée. Dès son arrivée, il doit retirer ses bijoux, faux ongles, etc. Il doit se laver les lesquels nous avons travaillé avec de nombreux professionnels de la santé. On fait notamment partie de l’Académie européenne de dermatologie. Donc toutes ces mesures d’hygiène ne datent pas d’hier pour nous. L’État nous prend au sérieux depuis longtemps. Donc présenter un protocole de réouverture après le déconfinement, c’était presque une formalité.
Quels sont vos rapports avec le gouvernement en place ?
Ça se passe très bien pour le moment. On a récemment eu un rendez-vous avec le docteur Emery, conseiller auprès du ministre de la Santé, Olivier Véran. Il nous a rassurés. Ils étudient en ce moment ce protocole qu’on leur a remis, pour nous dire ce qu’ils en pensent. Mais il n’y a pas de raison pour qu’ils ne l’accréditent pas. Oralement, ils nous ont rassurés sur le fait que ça devrait bien se passer. On ne peut pas encore fanfaronner mais on est optimiste. Je ne suis pas inquiet, je pense qu’on pourra tatouer le mai. mains et porter un masque. . Limitation des contacts : Chaque client doit se présenter seul et est invité à respecter autant que possible le principe du « no touch ». En dehors de la séance, éviter tout contact rapproché. Pour le tatoueur, limiter le nombre de clients admis par jour.
. Renforcement des règles d’hygiène et de salubrité : Port du masque dès l’accueil du client, port d’un tablier, mise à disposition de gel hydroalcoolique, désinfection régulière des surfaces à risque, entretien quotidien des locaux renforcé et affichage des consignes d’hygiène.
William Hamer n’a qu’une hâte : reprendre son dermographe en main et retrouver les bruits et odeurs qu’il affectionne. À moins de deux semaines du déconfinement et d’une éventuelle réouverture de son salon de tatouage – mais également de sa boutique de matériel – installé dans le quartier du port, à Nice, le trentenaire trépigne. « C’est une passion, ça me manque. Sinon, je ne suis pas inquiet. Nous travaillons toute l’année en respectant des règles d’hygiène drastiques. Donc je n’ai pas de crainte. Je me demande simplement si les gens vont venir se faire tatouer. Certains auront forcément d’autres priorités. Mais d’autres
Et dans l’éventualité contraire ?
On ne peut pas savoir, il y a tellement d’informations et de contre-informations. Quand j’entendais au début le gouvernement dire que les masques ne servaient à rien, j’étais mort de rire… Il y a tellement de couacs dans la gestion de cette crise que l’on ne peut réellement jurer de rien.
‘‘ Nous verrons. On a remis tous nos masques au personnel hospitalier au début de cette crise. On espère maintenant qu’on en aura assez quand on rouvrira.
C’est un risque…
S’il n’y en a pas assez, on ne pourra pas reprendre. Après, l’État nous dit aujourd’hui que les masques que l’on fabrique nousmême sont très bien. C’est rigolo car un peu contradictoire avec ce qu’ils ont dit au départ… mais si on ne les fait pas nous-même, il ne faut pas trop compter sur eux pour en avoir a priori. Le seul souci qu’on aura, c’est le prix auquel on les paiera. Avant le covid, ça devait être euros les cinquante masques. Aujourd’hui, c’est un euro le masque minimum. Il est là le problème.
Vous êtes inquiet ?
Personnellement, je le suis moins que les autres car je m’y connais très bien en transmission croisée et en problèmes viraux. Je sais ce que je fais. Quand je mets un masque, je ne le touche pas sauf pour l’enlever. Pareil pour les gants.
Ces gestes barrières, vous les appliquiez déjà avant la crise…
On les connaît déjà par coeur. Et je parle au nom de la majorité des tatoueurs. Avec le Snat, ça fait des années que l’on met le doigt là où ça fait mal. Tatouer comme un dégueulasse, ça devient vite la honte car on est vite dénoncé. Et une réputation se fait assez rapidement. Les tatoueurs sont à la pointe des professionnels en matière d’hygiène, je n’ai pas peur de le dire.
Les grands principes du protocole
Ces gestes barrières, on les connaît déjà par coeur”
Vos salariés sont aujourd’hui au chômage partiel. Sont-ils inquiets ?
Pas trop car ils ont confiance en moi. En revanche, les autres tatoueurs sont inquiets. Ce qui en pousse pas mal à tatouer chez eux, dans la clandestinité…
La clientèle sera-t-elle au rendez-vous ?
Beaucoup de passionnés attendent de revenir. La clientèle qui ne s’est pas encore fait tatouer va-t-elle avoir peur ? Je ne sais pas. Va-t-on avoir autant de clients qu’avant ? On n’en sait rien aujourd’hui mais on s’attend plutôt à en avoir moins. L’avenir nous le dira.