La Fièvre de Suprême NTM
En 1995, Joey Starr et Kool Shen signaient leur premier succès grand public avec ce single
Cette année-là, la reine s’appelle Céline Dion. Son album D’eux, réalisé avec Jean-Jacques Goldman, marche très très fort. Il atteindra le million de ventes en cinq mois, puis deviendra l’album le plus vendu de tous les temps en France, avec 4,5 millions d’exemplaires écoulés. Le Suprême NTM évolue loin de ces chiffres stratosphériques. Mais avec Paris sous les bombes, leur troisième album studio, Joey Starr et Kool Shen s’offrent une vraie percée et s’extraient de la sphère underground.
Sur les plateaux de télé, animateurs et journalistes font encore preuve de condescendance et d’ignorance face au hip-hop de « Nique ta mère ».
Paris sous les bombes, donc. Le disque étant sorti 1995, on pourrait pensait que son nom fait référence à la vague d’attentats islamistes ayant touché la capitale. Sauf que ceux-ci ont eu lieu plusieurs mois après. Les bombes en question, ce sont celles qui contiennent la peinture des graffeurs. L’ambiguïté s’installe, mais cela n’empêche pas la mayonnaise de prendre sur le plan musical. Petit à petit, leurs morceaux de ce nouveau disque s’invitent dans les émissions de clips de M6 ou MCM. Il faut dire que l’album est costaud. Il contient une multitude de morceaux devenus des classiques. Le nostalgique Tout n’est pas si facile est choisi comme premier single. Le fumeux Pass pass le oinj’ débarque ensuite. Puis c’est au tour de La Fièvre.
Une « chanson douce » comparée au brûlot Qu’est-ce qu’on attend ou le remix d’Affirmative Action, enregistré dans un contexte houleux avec le New-Yorkais Nas, pour la réédition de Paris sous les bombes. Les influences soul-funk de Didier Morville et Bruno Lopes s’y font largement sentir. Pour ce titre, ils ont samplé avec malice My Lady, une mélodie smooth jazz-funk des Crusaders.
Pas les mêmes symptômes...
Sur La Fièvre, le duo joue la carte de l’humour. Alors, qu’est-ce qui fait passer le thermomètre dans le rouge, en fin de compte ? Pour Kool Shen, c’est un contrôle d’identité qui tourne mal, avec passage au poste de police : « Oh, mais ils m’ont mis la fièvre, pendant des heures / Je suis resté assis sur un banc, contre le radiateur / J’avais pourtant des choses à faire / J’avais beau leur répéter, mais y’avait rien à faire. » Pendant ce temps-là, Joey Starr attend son pote. Il en a « marre de faire la borne kilométrique comme trop souvent ». Et puis le tableau va s’éclaircir pour lui. Une « meuf terrible », « beaucoup plus bonne que la plus bonne de tes copines », passe dans le secteur. « Donc, je te laisse imaginer la suite / Je te fais pas de dessin, ça risque d’être censuré dans le clip », lâche le Jaguarr de sa voix rocailleuse. La Fièvre passera trente semaines dans le Top 50, avec un pic à la dix-neuvième position, début septembre 1995.
L’été a été chaud
Une tourmentée brève accalmie du Suprême dans NTM. l’histoire Car, d’une manière ou d’une autre, l’été aura été chaud pour la formation hip-hop. Le 14 juillet, un concert « de la liberté » est organisé par SOS Racisme à La-Seyne-sur-Mer, en réaction à la récente élection de Jean-Marie Le Chevallier (Front national) à la mairie de Toulon. Pendant le show, Joey Starr s’emporte contre la police : « Nique ta mère ! Je nique la police ! J’encule et je pisse sur la justice ! Nos ennemis : c’est les hommes en bleu ! On leur pisse dessus. »
Lui et Kool Shen seront d’abord condamnés en novembre 1996 à trois mois de prison ferme (et trois mois avec sursis), ainsi que six mois d’interdiction « d’exercer la profession de chanteur de variétés » pour «outrage à personne chargée d’une mission de service public ». Leur peine sera finalement ramenée à deux mois avec sursis et 50 000 francs d’amende.
Une ligne de plus au « palmarès » des gars du 93, désormais quinquagénaires, assagis et perçus avant tout comme des artistes.
Trente semaines au Top