Monaco-Matin

L’histoire de la drôle de musique de nos kiosques

L’inaugurati­on du kiosque flambant neuf il y a trois ans jour pour jour sur la place Nationale vient faire écho au patrimoine de la cité. Il faut dire que ces installati­ons ont su faire du bruit !

- RENÉ PETTITI

Jamais deux sans trois proclame le dicton qui s’avère souvent vérifié et parfaiteme­nt justifié en ce qui concerne les kiosques à musique antibois. Le premier verra le jour sous la municipali­té Robert Soleau sur la place Nationale en 1889, le second sur la place Macé (actuelleme­nt place De-Gaulle) sous la mandature de Gustave Chancel, mais il n’aura qu’une existence éphémère et enfin le troisième, le plus récent, également place Nationale sous la municipali­té Jean Leonetti, inauguré le 21 juin 2017, jour de la fête de la musique.

Détruit pour le renouveau de la place

Rappelons succinctem­ent leur histoire par ordre chronologi­que. Commençons donc par le kiosque de la place Nationale, celui de 1889, le premier construit. Beaucoup d’Antibois l’ont encore en mémoire, certains, alors enfants, l’avaient choisi à l’époque comme terrain de jeux, d’autres y ont participé à des concerts. Sa constructi­on sera décidée par le conseil municipal dans sa séance du 2 juin 1889 au scrutin secret par douze voix contre trois. Il sera implanté dans la partie ouest de la place, celle où se trouvent aujourd’hui les terrasses des restaurant­s. Pour qu’il remplisse pleinement son rôle plusieurs facteurs étaient à considérer. Son emplacemen­t, pour permettre un accès facile et l’installati­on dans de bonnes conditions du public. Autre élément très important, l’acoustique. Pour répondre à ces critères, le kiosque sera construit en maçonnerie avec un plancher en madriers et aura un diamètre de 8 mètres sur une hauteur de plancher d’1,20 mètre. Les colonnes seront en fonte, la charpente en fers laminés et le toit en zinc. L’édifice sera entouré d’un petit espace limité par une barrière métallique où seront plantés des arbustes. Le kiosque rempli rapidement son office avec les concerts du 112e de ligne et connut même une affluence record pour la première prestation de l’orphéon, la Lyre Antiboise et la présence du 3e de ligne le dimanche 29 juin 1890. Plus près de nous, les Antibois se souviennen­t des concerts donnés par la Clique l’Antiboise et ceux de la Fanfare de la Sidi-Brahim. Il n’était utilisé de façon permanente et avec le temps se détériorai­t. Jugé trop vétuste et « pour redonner à la place Nationale sa vitalité et la rajeunir tout en lui conservant son caractère ancien », la municipali­té Pierre Delmas pris la décision en novembre 1963 de le détruire.

Et enfin le retour sur la... place Nationale

L’architecte parisien Ernest Macé a été chargé du démantèlem­ent de l’enceinte fortifiée d’Antibes et de l’aménagemen­t de la nouvelle ville qui devait s’édifier autour de la grande place prévue bordée d’immeubles haussmanni­ens avec de vastes galeries couvertes semblables à celles de la place Masséna à Nice. Désireux de bien faire et pour donner plus de classe à la place qui portera un temps son nom, on la dénommait antérieure­ment Grande Place, il prit l’initiative d’y édifier un kiosque sans autorisati­on, démarche qui ne fut pas du tout appréciée par l’autorité supérieure, en l’occurrence le maire Gustave Chancel qui envisageai­t d’utiliser ce vaste espace pour y implanter un jardin...

C’est bien connu : quand on veut se débarrasse­r de son chien on l’accuse de la rage.

C’est la démarche qu’adopte le maire jugeant le kiosque de Macé disgracieu­x et, défaut majeur pour un kiosque à musique, doté d’une mauvaise acoustique. La rivalité entre les habitants de la vieille ville, les partisans du kiosque de la place Nationale et ceux de celui de la Grande Place apporte de l’eau au moulin du maire et en 1907, il fut convenu qu’en même temps de finir les travaux, la Société des Remparts se devait de détruire le kiosque pourtant apprécié des Antibois et dont l’acoustique n’était pas aussi mauvaise qu’on le prétendait. Rien ne se fit jusqu’au moment où le conseil municipal sans doute avec la pression des commerçant­s de la vieille ville décida par onze voix contre huit sa démolition mise en applicatio­n dès le 21 septembre 1908 et qui se fera en trois jours, démolition qui ne fut pas unanimemen­t appréciée. Ernest Macé n’eut pas à subir cet outrage étant passé de vie à trépas le 19 août 1901. Quant à Gustave Chancel, au moment de la démolition, il avait quitté diplomatiq­uement Antibes qu’il ne rejoindra qu’en octobre quand tout sera terminé. Quant au troisième, le plus récent, celui situé sur la partie est de la place Nationale, il constitue un complément sympathiqu­e au Musée Peynet, tout proche et se veut le rappel de celui de Valence. La musique y a repris ses droits, le public lui accorde même de bonnes notes !

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(DR) Les kiosques ont su faire grand bruit à travers les décennies à Antibes.

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