Fauda
L’an dernier, le New York Times a placé Fauda au huitième rang de son classement des meilleures séries internationales de la décennie. Belle marque de reconnaissance pour ce programme, dont le nom signifie « chaos » en arabe. Surtout lorsqu’on apprend qu’en dépit de son intégration au catalogue Netflix, il est concocté avec un budget serré. « Il faut bien se dire qu’il y a très peu d’argent sur le tournage. On fait très peu de prises, jamais plus de trois pour moi, par exemple. C’est une tension positive, on a une toute petite équipe. Ces conditions laissent une grande liberté d’action. Sur le plateau, on peut donner notre avis, tenter des choses », assure Laëtitia Eïdo. Dans ce thriller sur fond de conflit israélo-palestinien, parfois comparé à 24 heures chrono ou encore The Shield, on suit une unité d’intervention antiterroriste israélienne. Et on met le doigt dans un engrenage où les vengeances s’enchaînent sans relâche. La Française campe le rôle de Shirin El Abed, un médecin francopalestinien qui entame une relation amoureuse avec l’un de ses patients, agent infiltré.
« Le rôle devait correspondre à une certaine éthique »
« Je voulais apporter une pierre à l’édifice, en essayant d’avoir un personnage qui ouvre les coeurs et les mentalités, qui soit un trait d’union entre ces deux cultures très proches. Pour moi, le rôle devait correspondre à une certaine éthique, c’était non-négociable », avance l’actrice. « J’ai aussi accepté ce rôle parce que Lior Raz, le co-créateur [qui tient également le rôle principal sous les traits de l’agent Doron Kavillio, ndlr], m’avait dit qu’il voulait faire comprendre qu’en prenant part à cette guerre, peu importe le côté duquel on se trouve, on perd tout. » Dans un contexte aussi sensible, difficile cependant de faire l’unanimité. Certains observateurs ont considéré Fauda comme de la « propagande raciste qui sert l’armée d’occupation israélienne et montre l’agression contre le peuple palestinien », comme le rappelait Le Point. D’autres y ont vu «une représentation nuancée des problèmes liés au conflit israélo-palestinien, permettant d’expérimenter des points de vue différents. » « L’axe narratif est israélien. Mais il faut rappeler que ce n’est pas une série géopolitique. On se sert de cette trame, mais elle ne traite pas de ça. D’autres séries, comme Le Serment, en parlent directement. Elles sont indispensables, d’ailleurs. En revanche, avec Fauda ,jepense qu’il y a des choses importantes qui passent sur le conflit, mais à travers les humains », poursuit-elle. Elle, dont la mère est libanaise, est fière que son personnage soit représentatif de certaines femmes au Moyen-Orient. « Dans ces sociétés, il y a des femmes qui font des études, se libèrent d’une pression sociale ou religieuse. Mon personnage est quasiment chef de clinique, n’est pas dans la religion, s’habille différemment. Et j’ai demandé à ce qu’elle soit franco-palestinienne, pour qu’elle ait un pied en dehors du conflit, comme moi. »
Femme forte et haute tension
Dans cette saison 3, disponible depuis le début du mois de juin sur Netflix, après une première diffusion sur Paris Première, le récit prend place dans la bande de Gaza. « On tourne dans la banlieue de Tel-Aviv. Il y a quelques villages qui ont une
‘‘ architecture de type palestinien. » À l’écran, l’intensité est encore plus grande. « La série avait commencé par une bavure israélienne dans un mariage et on a enchaîné avec des vengeances. Là, on a beaucoup avancé, l’amertume est très ancrée. À côté de ça, on a des scènes d’apaisement et d’humanité », détaille Laëtitia Eïdo. La comédienne nous indique que la saison 4 de Fauda, d’ores et déjà validée, est en phase d’écriture.
En attendant, elle ne manquera pas de projets. Souvent sollicitée à l’international, elle avait jusqu’ici du mal à percer dans l’Hexagone. « En France, on me dit toujours que je peux tout jouer parce que j’ai un visage issu d’une culture mixte. Je peux incarner une Espagnole, une Italienne, une Grecque ou autre. Et la Française vient toujours en dernier. Ça me fait sourire, on va dire ça... »
Le succès de Fauda a changé la donne. Elle vient de finir le tournage de Presque, coréalisé par Bernard Campan et Alexandre Jollien. Cet été, elle aurait normalement dû jouer à Avignon dans Le Vent de l’Arménie, un seule en scène dirigé par Guila Braoudé. Toujours au théâtre, en compagnie de Fred Testot, elle incarnera... la mort, dans l’adaptation du Journal d’un vampire en pyjama, le roman de Mathias Malzieu narrant la période où le chanteur de Dionysos a souffert d’une maladie du sang, avant de recevoir une greffe de moelle osseuse.
L’axe narratif est israélien. Mais il faut rappeler que ce n’est pas une série géopolitique”
Fauda. Disponible sur Netflix. Douze épisodes de 38 à 50 minutes dans la saison 3.