Monaco-Matin

Cinq ans de bataille pour un préjudice estimé à près d’un milliard d’euros

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Dmitri Rybolovlev avait bâti une collection d’oeuvres d’art exceptionn­elle entre  et  par l’entremise d’Yves Bouvier. Surnommé le « roi des ports francs », le marchand suisse était spécialisé dans la location d’espaces sécurisés en Suisse, au Luxembourg et à Singapour, où il stockait des oeuvres avec possibilit­é de les revendre sans frais.

C’est d’ailleurs dans ses entrepôts de Genève que les deux hommes seront mis en relation par une résidente monégasque, Tania Rappo, alors proche de la famille Rybolovlev au point d’être la marraine d’une des filles de Dmitri Rybolovlev.

Le  août , l’oligarque fait ainsi sa première acquisitio­n, Paysage avec un Olivier (Van Gogh), pour une quinzaine de millions d’euros. Trente-sept autres suivront, dont la plus chère, Serpents d’eau II (Gustav Klimt), acquise en  pour plus de  millions d’euros.

« Trahison en amitié »

Tout dérape en  lors d’un déplacemen­t de Dmitri Rybolovlev à New York, quand un collection­neur lui révèle qu’un Modigliani (Le Nu au Coussin bleu )aétécédéà Bouvier pour , millions d’euros avant qu’il ne le revende  millions à son client russe. Le clan Rybolovlev déclare alors que le marchand, qu’il considère comme un mandataire même si aucun contrat écrit n’a été signé, « s’est servi copieuseme­nt » sur la vente de l’entière collection. Alors qu’il aurait dû percevoir une commission fixe autour de  %. Au final, le préjudice est estimé à près d’un milliard d’euros.

En février , Yves Bouvier, qui n’a jamais nié avoir effectivem­ent acheté en son nom et réalisé des marges commercial­es, est arrêté au pied de l’immeuble Belle Époque du président de l’ASM, en Principaut­é. Sa présumée complice, Tania Rappo, qui percevait des commission­s comme apporteuse d’affaires, est arrêtée à son domicile du boulevard d’Italie.

Les conseils de Rybolovlev crient à « la trahison en amitié » et prétendent avoir été dupés pendant dix ans. La plainte déposée le  janvier  pour escroqueri­e et complicité de blanchimen­t est aussi justifiée par une volonté d’assainir les pratiques d’un marché de l’art non régulé et sans formalisme.

L’arroseur arrosé

L’escroqueri­e dénoncée par Rybolovlev en Suisse porte sur  oeuvres mais seuls trois tableaux ont été versés dans la procédure monégasque (De Vinci, Gauguin et Rothko). Une procédure que Tania Rappo a toujours considérée comme un « traquenard », elle qui reste persuadée d’avoir été mêlée à cette histoire uniquement pour rattacher « artificiel­lement » ce conflit à Monaco, de par son statut de résidente.

Une hérésie pour l’avocat de Dmitri Rybolovlev, Me Temime, qui affirmait dans nos colonnes le  décembre  n’avoir

« aucun » doute sur la compétence territoria­le de Monaco. « Je pense même que Monaco est légitime à se saisir de l'intégralit­é des achats. L'escroqueri­e est une infraction complexe, il suffit que l'un des moyens de l'escroqueri­e ait été perpétré sur un territoire pour que ce territoire soit compétent pour l'escroqueri­e. »

Il n’en sera rien. Et Rybolovlev a tout de l’arroseur arrosé. Tout ça pour ça…

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(Photo Michael Alesi) Tania Rappo a toujours crié au « traquenard ».

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