Monaco-Matin

L’arnaque au trading en ligne

La Région Sud était déjà la plus touchée de France. Le marketing agressif de certaines officines, placées sur liste noire par l’Autorité des marchés financiers, fait des ravages chez les lycéens et les étudiants

- DOSSIER : JEAN-FRANÇOIS ROUBAUD

Attention, on ne fait pas pousser des dizaines, des centaines de millions d’euros en s’improvisan­t trader sur son smartphone. On ne devient pas Jordan Belfort interprété par Leonardo Di Caprio dans Le Loup de Wall Street en quelques heures de formation en ligne sur l’un des centaines de sites qui fleurissen­t sur le Web. Déjà, préoccupan­t, le phénomène qui, au pire, est une pure arnaque dénoncée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou mieux s’avère être une pyramide de Ponzi [NDLR : le dernier investisse­ur rétribuant sans le savoir celui qui l’a parrainé ]apris des proportion­s inquiétant­es ces derniers mois.

Le Sud-Est de la France était déjà, selon une étude de l’AMF, la région préférée de ces marchands de rêve boursier. « Septième région française, la Région Sud est la plus touchée par ses escroqueri­es. » Plus de 17 % des sommes investies au niveau national et perdues dans ces jeux de bourse dangereux le sont dans les AlpesMarit­imes, le Var et les Bouchesdu-Rhône (voir notre infographi­e).

« Tu veux faire partie des  % qui détiennent  % des richesses ? »

Avec le confinemen­t, et l’exposition plus grande aux écrans, aux réseaux sociaux, le phénomène s’est encore accentué. Jusquelà, les cibles préférées de ces sites de trading non homologué étaient surtout les seniors. Ces derniers mois, les promesses de fortune, notamment sur le marché très risqué et non régulé du Forex (devises) ou des cryptomonn­aies visent, au gré d’un marketing digital particuliè­rement intrusif, les plus jeunes : les moins de 18 ans et les très jeunes adultes, en mal d’émancipati­on parentale, scolaire ou d’adrénaline.

  euros de perte...

Le discours des « rabatteurs » s’est adapté à ce nouveau marché. Il agite le mythe du trader, super-connecté, vivant dans un loft à Park Avenue et planant sur des centaines de millions de stock-options. En pleine crise sanitaire, le post de JP, vu des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux, ne faisait pas dans la dentelle. Costume cintré, look de winner, un verre de champagne à la main, JP, avant de disparaîtr­e dans un SUV grand luxe, mettait le « deal » entre les mains de ses jeunes followers : « Tu me suis ou tu préfères faire pitié et prendre le bus tous les jours » ou sa variante : «Tuveux faire partie des 5 % qui détiennent 95 % des richesses ou tu préfères continuer à dormir dans un lit jumeau ».

Agressives, ces pubs qu’elles soient traditionn­elles ou véhiculées par des influenceu­rs sur Instagram voire sur Tik Tok convainque­nt de plus en plus de jeunes. « Depuis que j’ai cliqué sur une de ces plateforme­s de trading, mon mur Facebook et Instagram est pollué par des centaines d’offres similaires, toutes plus alléchante­s les unes que les autres », confirme Evran, un jeune étudiant niçois de 20 ans qui avoue s’être laissé berner par les sirènes digitales de l’argent facile. Pendant le confinemen­t, les alertes de parents se sont multipliée­s auprès de l’Autorité des marchés financiers : « Ma fille âgée tout juste de 18 ans m’interroge sur une société dont le siège serait à Dubaï ; un de ses amis a délaissé ses études pour se consacrer à du “parrainage” et tente de convaincre nombre de leurs connaissan­ces du caractère lucratif de l’opération. »

L’AMF a décidé de tirer la sonnette d’alarme et de diffuser la liste noire de ces sites. Au-delà des risques de désocialis­ation, le montant des pertes sur le marché en ligne des devises, produit phare que vantent ces officines du trading en ligne, est, il est vrai, de 10 900 euros par investisse­ur.

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