Après le Covid, un budget contraint pour l’année
Le conseil municipal de Menton s’est réuni mercredi soir pour une nouvelle étape obligée : le vote du budget pour l’année déjà bien entamée – revu à la baisse en raison du contexte
La crise du Covid aura eu deux conséquences majeures sur l’indispensable vote du budget à Menton : un bouleversement du calendrier en raison du report des élections municipales (impliquant la tenue du débat d’orientation budgétaire et le vote dudit budget le même jour), ainsi qu’une restriction assez drastique des dépenses programmées. Entre autres, parce que les recettes sur lesquelles la Ville pourra s’appuyer sont elles-mêmes en nette diminution : 60 millions d’euros, contre 71 l’an dernier. Le budget primitif voté mercredi soir par la majorité – l’opposition s’étant abstenue – est ainsi légèrement inférieur à 100 millions d’euros, résume l’adjoint aux finances, Yves Juhel.
Pratiquement toutes les lignes budgétaires sont revues à la baisse – et notamment les dépenses réelles de fonctionnement, passées de 60 millions d’euros en 2019 à 55 cette année – à l’exception des salaires, dont l’augmentation avoisine les 4 %. Une hausse normale, insiste le rapporteur, liée aux primes prévues dans les évolutions de carrière.
« Le premier d’une série de budgets serrés »
« Il s’agit d’un budget beaucoup plus contraint que l’année dernière, mais on maintient les mêmes taux de fiscalité et montants des subventions », poursuit Yves Juhel. Pointant du doigt le besoin que tout le monde fasse des efforts. À ses côtés, le maire Jean-Claude Guibal opine. « Ce sera, je le crains, le premier d’une série de budgets serrés. Même si nous ne faisons pas cadeau des redevances, même si on ne supprime pas les deux derniers corsos de la Fête du citron, même s’il n’y a pas d’événements critiques, l’évolution va vers une restriction des moyens donnés aux villes », commente-t-il. Conscient de la nécessité de gérer la Ville « de manière rigoureuse et parfois un peu sévère ».
« Les gens qui ont des difficultés sont de plus en plus nombreux. L’un des enjeux de ce budget et des suivants consistera à savoir attribuer les moyens, là où ils sont nécessaires sur le plan de la vie des gens », analyse-t-il. Le chef de file de l’opposition, Olivier Bettati, rappelle de son côté combien la situation économique du second semestre 2020 sera « très dégradée ». Précise que, d’après lui, ce sont les collectivités qui peuvent porter la relance, dans la mesure où elles ont accès à de « l’argent pas cher » – des emprunts à des taux de moins de 0,5 %. « Cannes, Nice, Antibes, Grasse ont bâti des budgets en s’appuyant sur des méthodes repensées pour travailler sur de nouvelles ingénieries financières (...) Le budget que vous nous présentez est, lui, à l’inverse », clame-t-il. Regrettant une augmentation du personnel, mais une baisse des moyens qui leur sont accordés, ou encore une diminution des investissements, qui auraient permis de faire travailler des entreprises locales. « Dans ce contexte difficile, nous aurions eu besoin d’une vision à la Churchill, mais j’ai le sentiment que vous n’êtes que Gamelin
(1) et que votre budget c’est la ligne Maginot… » Le maire lui rétorque que pour avoir une vision et un vrai projet budgétaire, il aurait fallu augmenter soit les impôts, soit l’endettement de la ville. Deux options auxquelles ils se refusent. Entre autres, parce qu’elles n’entrent pas dans les critères de la Chambre régionale des comptes (et autres observateurs), voire qu’elles ternissent la confiance des partenaires publics et privés.
« Je vous accorde que si nous n’étions pas dans des finances publiques il faudrait s’endetter lourdement. Sauf que procéder ainsi pour une commune n’est pas de la bonne gestion », assure Jean-Claude Guibal. Insistant sur le fait que le budget proposé se traduira – comme pour les villes montrées en exemple – par des réorganisations et un effort de rationalisation.
Sur le banc de l’opposition, Jean-Christophe Storaï persiste : du point de vue de son groupe, le budget ne tient pas compte de la crise. «Les PME locales vont subir votre décision de baisser la commande publique. Vous avez par ailleurs choisi d’augmenter les droits de place et la taxe de séjours pour les hôteliers déjà pas mal sinistrés, vous proposez une baisse des travaux de voirie… », liste-t-il. Empruntant une saillie à Mitterrand en conclusion : « Vous apparaissez comme l’homme du passé, voire du passif. » Invité par Olivier Bettati à considérer que « c’est le temps qui dit les choses », le maire se montre à son tour cinglant : « Regardez le temps avec des lunettes moins déformantes que celles que vous mettez pour lire ce budget. » (1) Maurice Gamelin, officier général français considéré comme le responsable de la défaite de 1940.