Monaco-Matin

Pourquoi les agressions au couteau se multiplien­t

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Cannes-La Bocca, 25 juillet : deux blessés au couteau lors d’une soirée barbecue. Hier, une jeune femme poignardée à mort (lire nos pages départemen­tales suivantes). Nice-centre et port, nuit du 24 au 25 juillet : deux agressions distinctes au couteau, deux blessés graves. Nice-Ouest, 23 juillet : un jeune est blessé au couteau au mollet, aux Moulins, précisémen­t là où s’est rendu le ministre de l’Intérieur quelques heures plus tôt. Nice-Nord, nuit du 20 au 21 juillet : un automobili­ste ivre emboutit plusieurs véhicules. Il est gratifié d’un coup de couteau à la cuisse.

La liste paraît sans fin. Pire : si les fusillades aux Liserons et aux Moulins ont défrayé la chronique, les coups de couteau, eux, ont tué. Par trois fois. Une figure du quartier République, pour un différend de voisinage, le 1er juin à Nice. Un jeune Capverdien, poignardé par un ancien codétenu dans la nuit du 24 au 25 juillet, à l’Ariane. Et une femme de 28 ans, poignardée à mort par son conjoint, hier à Cannes-La Bocca (lire en page 7).

Pour un oui, pour un non ou… pour rien

« On a le sentiment qu’il y a plus d’attaques à l’arme blanche que les précédente­s années, confirme Jean-Luc Bragato, secrétaire départemen­tal adjoint du syndicat Unité-SGP FO police 06. On voit de plus en plus de vidéos de jeunes qui se font agresser gratuiteme­nt. Pour une cigarette, pour un regard… Pour rien. En réalisent-ils la gravité ? Un simple coup de couteau peut tuer ! C’est un phénomène alarmant. On s’inquiète beaucoup pour nos jeunes. »

Cette tendance à brandir une arme blanche pour un oui, pour un non ou même pour un silence, n’est pas propre à la Côte d’Azur. « Malheureus­ement, c’est bien tout le territoire qui est touché par ces phénomènes de violences gratuites », indique le contrôleur général Nadine Le Calonnec, directrice départemen­tale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes. Reste que ces agressions sanglantes mobilisent largement la police dans les Alpes-Maritimes cet été. Sur le littoral comme dans les cités.

Effet déconfinem­ent

Comment l’expliquer ? Par un contrecoup des tensions accumulées durant le confinemen­t ? Plusieurs sources policières accréditen­t cette piste. « Il n’y a plus de retenue, déplore un enquêteur. Des gens qui partaient en vacances d’habitude sont restés. Il y a plus de monde. Les esprits s’échauffent, le ton monte… et on ne se bat plus à mains nues, c’est trop fatigant », persifle ce flic rompu aux affaires sanglantes. Dans les rangs de la police judiciaire aussi, on observe les effets collatérau­x du confinemen­t. « On ne mesure pas l’impact psychologi­que que cela a eu. Surtout chez les voyous qui, souvent, sont plus instables psychologi­quement, note un policier chevronné. Le climat actuel est très nerveux. Il y a une sorte d’escalade, avec des événements qui ne sont pas liés, mais qui traduisent ces tensions. »

Les démons de minuit

Autre second effet Covid : la fermeture des boîtes de nuit. Résultat : le monde nocturne s’adapte au jour le jour, si l’on peut dire. Avec ses côtés festifs, mais aussi ses excès incontrôlé­s, désinhibés par l’alcool et les stups.

« C’est moins facile à contrôler pour les policiers. On se retrouve avec des boîtes de nuit sauvages et des bagarres », atteste Nicolas Vincent, délégué départemen­tal adjoint du syndicat Alliance. « Les frottement­s sont plus nombreux que d’habitude, constate un confrère de la police judiciaire. Ça a pris des proportion­s inédites. Il y a une vraie tension. Ensuite, la violence appelle la violence… À moins qu’on ait atteint la montée de sève de trop ? »

Jeunesse no limit

Mais la crise sanitaire n’explique pas tout. Peu onéreux, faciles d’accès, aisés à utiliser, les couteaux ont la cote quand les mots et les poings ne suffisent plus.

« Depuis une dizaine d’années, on observe une jeunesse de plus en plus violente. Des jeunes qui ont l’impression d’évoluer dans un monde virtuel, et qui ne réalisent pas qu’un coup de couteau, dans la vraie vie, c’est grave », regrette Jean-Luc Bragato. Un policier niçois cite ces défis entre jeunes, à un contre un, récemment observés place Arson. Le mauvais perdant avait une fâcheuse tendance à brandir un couteau… Pour enrayer cette triste mode, le socialiste Patrick Allemand appelle à durcir la réglementa­tion sur les armes blanches (lire ci-contre). Pour Jean-Luc Bragato, il faut surtout que la justice suive. « Le contrôle, c’est bien. Mais la seule façon de ne pas recommence­r, c’est d’avoir une réponse pénale à la hauteur. »

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On ne mesure pas l’impact du confinemen­t”

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