Monaco-Matin

La banlieue molle frétille de la queue

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Ils se sont rencontrés pendant un concert de The Cure, « il y a une vie ou deux ». André, un jeune gars un peu gauche, avait réussi à taper dans l’oeil de Danielle, une nana plus chouette que lui. Dix-sept ans de mariage plus tard, l’intensité des premiers temps s’est évaporée. Elle a laissé place à une existence aussi bien rangée qu’une penderie chez Mary Kondo. Clean, mais terne. « J’ai une tondeuse, une souffleuse, un aspirateur à feuilles et un garage pour ranger les outils dont je ne me sers pas », énumère André. Son plus grand bonheur ? Regarder le bout de terrain entourant son pavillon depuis sa chaise pliante, une bière à la main. Danielle, prévenante et sans doute résignée, fait tourner les machines à laver, organise les activités familiales sans états d’âme. Bienvenue dans la banlieue molle du sud de Montréal.

Duo complément­aire

Classique en apparence, tout aussi plate que le quotidien qu’elle dépeint pour certains critiques, l’histoire racontée par Sophie Bienvenu et illustrée par Julie Rocheleau n’est pourtant pas aussi lisse que l’on pourrait l’imaginer.

« C’était supposé devenir mon deuxième roman. Mais je l’ai mis dans un tiroir, c’était trop dark. J’ai repris le texte pour le rendre moins terrible. Je n’ai jamais fait de BD avant ça. Julie a été hyper patiente. Je lui ai balancé mon texte en pensant bien faire, pour lui laisser un maximum de liberté. Mais ça ne marche pas comme ça. Elle a réussi à amener mon texte à un niveau supérieur », estime Sophie Bienvenu dans une vidéo de La Pastèque, l’éditeur de Traverser l’autoroute.

Son acolyte Julie Rocheleau, qui s’est dernièreme­nt signalée avec Betty Boob , une bande dessinée sortie chez Casterman en 2017, abordant une femme touchée par un cancer du sein, tempère ses propos. « Quand j’ai lu le scénario, je trouvais que tout se tenait seul. Je me demandais quelle allait être la place du dessin. Mais plus je travaillai­s dessus, plus j’avais un pincement au coeur. Je me demandais à quoi ressemblai­t leur vie en dehors de la BD. »

« Je crois qu’on l’a raté »

Pour compléter ce casting, il y a un ado dans les parages, dont on ne connaîtra pas le prénom. « Ma femme et moi, on a un enfant. Et je sais que je ne devrais pas dire ça... Mais je crois qu’on l’a raté », déplore le paternel. Quand c’est son tour de jouer le narrateur, le rejeton lui rend la pareille. À seize ans, fraîchemen­t largué par sa « blonde », il rumine dans son coin. Pour sa mère, il éprouve une vague indifféren­ce. Son père, lui, est « juste con » à ses yeux. Les deux ne trouvent pas les mots pour échanger. Encore faudrait-il qu’ils en aient envie... Un dimanche, Danielle leur impose une belle corvée : reprendre la voiture pour aller chercher un gâteau de la pâtisserie Mamie Clafoutis avant l’arrivée d’invités pas vraiment désirés. Engloutir une fois de plus le même trajet que pour aller bosser la semaine, avec son « gentil fiston » à la place du mort ? Le pompon pour André. Mais sur le chemin, une rencontre improbable avec un chien errant va rassembler ce beau monde. Même dans le gris de l’asphalte, on peut trouver une lueur d’espoir.

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