PROMOTION HORS NORME
Formés en un temps record et confrontés d’emblée à la crise Une police de Monaco plus en mouvement
Décidément, ceux-là font tout plus vite que les autres. Formés en huit mois au lieu de dix pour pallier les besoins en effectifs de la Sûreté publique (lire page suivante), les 35e promotion d’élèves-lieutenants et 50e d’élèvesagents ont dû faire face d’emblée à une crise sanitaire inédite et s’adapter toujours plus vite. « Ils vont avoir des souvenirs », plaisante le directeur de la Sûreté publique, Richard Marangoni.
L’an dernier, nous avions collé aux basques de ces aspirants policiers durant deux jours de leur formation initiale jusqu’à leur remise d’insignes, en janvier dernier. Six lieutenants et 23 agents stagiaires invités à un lâcher-prise progressif en faisant leurs premiers pas, armés, sur le terrain. « La dénomination de notre formation, c’est l’approche par compétences. C’est-à-dire que la compétence doit être acquise pour vous donner une autonomie. Au début, vous êtes très encadré. La première année, un tuteur est en permanence avec eux ; la deuxième année, le parrain s’écarte. Et la troisième année, vous êtes pratiquement seul mais le parrain a toujours un oeil », résume Richard Marangoni.
Fierté et excitation
Un processus qui incite à la prise d’initiatives sans le sentiment d’être bridé. À la formation initiale s’est ainsi substituée une formation continue auprès de tuteurs à la dizaine d’années d’ancienneté au compteur. Durant les deux ans qui les séparent de leur titularisation, ils passeront par tous les services, de jour comme de nuit, spécialisés ou non, sauf exception comme le GPSI (Groupe de protection, de surveillance et d’intervention) accessible après cinq ans de maison.
Au-delà de l’épisode coronavirus (lire ci-dessous), nous avons été à la rencontre d’Amélie, Anthony et Nicolas, agents affectés à la section de proximité de sécurisation (SPS), et Élodie, agent en patrouille avec l’Unité de police générale (UPG), pour débriefer leurs premiers pas d’actifs. Première évidence, l’enthousiasme est intact. Deuxième constat, leurs attentes correspondent à la réalité. Enfin, tous vivent des expériences bien différentes qu’ils partagent au sein d’une promotion « d’amis » qui a survécu au départ des bancs de l’école.
Élodie avait hâte de revêtir chaque jour cet uniforme si familier. « Je n’ai pas eu d’appréhension mais plutôt de l’excitation. C’est particulier puisque je suis issue d’une famille de fonctionnaires de police qui sont déjà au sein de la Sûreté publique. Porter leur uniforme et continuer sur leurs pas est une fierté. » Elle mesure la « reconnaissance » des Monégasques et la chance « de se lever le matin sans jamais savoir ce qu’il va se passer ». Avec un souvenir particulier, évidemment, de la première urgence. Jamais si banale. « C’était juste un déclenchement d’alarme, mais on est obligé de mettre le deux-tons, le gyrophare, on va plus vite et l’adrénaline monte. »
Discernement et partage
Nicolas, lui, a vécu une émotion comparable lors de son premier menottage, à la frontière de Capd’Ail. « C’était sur un ressortissant sri lankais qui avait un peu bu et était un peu virulent. Pour son bien-être et le nôtre, on l’a menotté. Il a passé la nuit au poste. L’avantage, c’est qu’on est rarement seul et que s’il se passe quelque chose, on est très rapidement rejoint. » Une appréhension avant le premier jour ? « Je vous mentirais si je vous disais non. Mais à l’école, on acquiert quand même un package qu’on met relativement vite en place sur le terrain. » La clé d’une bonne acclimatation ? Gagner la confiance des riverains et commerçants.
Postée sur la place de la Visitation, deuxième point de filtrage pour accéder au Rocher, Amélie s’épanouit à garantir la sécurité du centre névralgique de toutes les décisions politiques de Monaco, comme à renseigner les touristes. «Jesuis très sociable et joyeuse, je me suis intégrée très rapidement. Je connais tous les chauffeurs de bus, les personnels du Palais princier ou du Musée. Il y a le même respect pour nous à tous les niveaux. Le Prince nous salue, comme le Ministre d’État. » Sur le qui-vive en permanence, Amélie ne ressent pas de pression néfaste. « Je me sens protégée. Les gradés prennent le temps de nous recevoir quand on a des questions et rien qu’être à l’écoute radio, on apprend beaucoup. »
S’il y en a un qui n’a pas tardé à rentrer dans le vif du sujet, c’est bien Anthony, à Fontvieille. « Dès mon premier jour, j’ai eu une grosse intervention au niveau des bâtiments usines. Une fuite de liquide chimique et l’évacuation de deux étages complets en soutien des pompiers. » Une « poussée d’adrénaline » mais pas de vertige. « On nous laisse beaucoup d’autonomie pour nous forger notre propre point de vue », estime le Monégasque, qui a vécu vingt-cinq ans dans le quartier avant d’y officier. À la mi-septembre, Anthony aura aussi pour mission de sécuriser les abords de la nouvelle école de police, dont les travaux touchent à leur fin dans l’enceinte du stade Louis-II. La promotion 2020 restera donc également dans les annales comme la dernière formée rue Louis-Notari. Décidément unique.