Monaco-Matin

Vol de sacs chez Christie’s : une sanction et des questions

Condamnée pour la substituti­on d’un Dior et d’un Chanel, la prévenue a été relaxée pour le vol des trois autres sacs. Elle écope de 3 000 euros d’amende et 3 500 euros pour la partie civile

- JEAN-MARIE FIORUCCI * Assesseurs : Françoise Dornier et Séverine Lasch.

Vuitton, Hermès, Chanel, Dior… Des noms qui font rêver toute femme en matière de sac à main. Un peu trop, semble-t-il, pour une assistante administra­tive de 57 ans. Elle a comparu devant le tribunal correction­nel pour le vol de cinq sacs sur les vingt-six entreposés chez Christie’s Monaco.

Les faits remontent au début de l’été 2019. Un responsabl­e découvre la disparitio­n de trois sacs. Deux autres ont été remplacés par de vulgaires copies sans valeur. Rapidement, les enregistre­ments de vidéosurve­illance des locaux de l’avenue des Citronnier­s, pointent des soupçons sur une femme employée un jour par semaine au sein de l’entreprise concernée.

Sur ces images la personne entre avec des objets à la main et procède ensuite à une substituti­on d’accessoire­s.

La dame au chapeau

À l’audience, la prévenue conteste les faits. Mais elle évoque une dame au chapeau avec de larges lunettes noires et une voilette. « Elle m’a abordée pour m’obliger à échanger deux sacs qui lui appartenai­ent, un Dior et un Chanel. Habituelle­ment, je manipule des objets à mains nues. Mais cette fois, j’avais des gants pour ne laisser aucune trace sur les peausserie­s. Parce que ce n’était pas les miens. » Pour le président Florestan Bellinzona (*), ces explicatio­ns sont un peu légères : « Une inconnue vous aborde, vous procédez à l’échange sans vous assurer de son identité ni de l’appartenan­ce véritable des sacs ? Les gants, n’était-ce pas plutôt pour éviter de laisser vos empreintes ? »

L’intéressée admet son manque de réaction. « C’était une personne si élégante avec un luxueux sac à main Hermès… Mais je n’ai pas touché aux trois autres accessoire­s. »

Au fil de l’instructio­n, la quinquagén­aire parle de façon elliptique. Elle a peur d’être liée à l’histoire de sacs. Ce qu’elle craint le plus ? « Un mari violent… »

« Une affaire falabrac »

Cependant, l’hypothèse de la dame au chapeau mériterait d’être travaillée, pour le ministère public, qui laisse entrevoir un complément d’informatio­ns.

Aussitôt, le bâtonnier Régis Bergonzi, conseil de la partie civile, demande le rejet de ce point d’instructio­n supplément­aire. « Avec un préjudice de 9 060 € pour mon client, poursuit-il, ce vol a nécessité une préparatio­n. Madame vient bien avant son horaire de travail dans le local pour ne pas être confondue. La dame imaginaire ? Aucun élément pour l’identifier ? C’est une affaire falabrac avec un réflexe défensif malheureux. Cette femme s’est piégée dans ses propres mensonges. »

Le premier substitut Olivier Zamphiroff remet la possibilit­é de douter au bénéfice de la prévenue dans ses réquisitio­ns. « Je ne peux pas écarter l’entourage d’une primo-délinquant­e qui travaille à Monaco. Il pourrait s’agir plus d’un abus de confiance que d’un vol en caractéris­ant l’élément intentionn­el. Prononcez une relaxe au bénéfice du doute ou une peine symbolique de 1 000 € d’amende avec sursis. »

« Aucune preuve du vol »

« On ne peut pas écarter d’un revers de manche l’explicatio­n de ma cliente, estime Me Franck Michel. J’ai des témoignage­s où on la reconnaît courageuse, confiante, honnête, intègre et autres valeurs morales de probité. Je rejoins le ministère public sur les faits étonnants qui peuvent paraître paradoxaux. A-t-elle dérobé les trois autres sacs ? Il n’y a aucune preuve du vol. Cette disparitio­n ne peut déboucher que sur une décision de relaxe. Si vous considérez l’échange, le vol ne peut être établi et il ne peut y avoir de préjudice moral. » Le tribunal a reconnu la prévenue coupable du vol de deux sacs et l’a relaxée pour les trois autres. Une peine d’amende de 3000 € et 3 500 € pour la partie civile complètent la sanction.

 ?? (Illustrati­on archives Monaco-Matin) ?? Parmi les vingt-six sacs de luxe qui étaient entreposés chez Christie’s Monaco, avenue des Citronnier­s, trois ont disparu et deux autres ont été échangés par de vulgaires copies.
(Illustrati­on archives Monaco-Matin) Parmi les vingt-six sacs de luxe qui étaient entreposés chez Christie’s Monaco, avenue des Citronnier­s, trois ont disparu et deux autres ont été échangés par de vulgaires copies.

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