Monaco-Matin

Les princes gouvernent « avec l’aide de Dieu »

La célébratio­n du 15 août est l’occasion d’évoquer l’histoire religieuse de la Principaut­é

- ANDRÉ PEYREGNE (1) Lire Histoire du diocèse de Nice (Editions du Signe).

Deo juvante » – « Avec l’aide de Dieu ». Telle est la devise de la Principaut­é. Elle orne les blasons et documents officiels. Dans son article 9, la Constituti­on de Monaco prévoit que « la religion catholique, apostoliqu­e et romaine, est religion d’État ».

La Principaut­é de Monaco est l’un des rares pays au monde à avoir une religion d’État. Comme en Argentine, pays du pape François, aux Philippine­s, au Costa Rica ou à Malte, cette religion est la religion catholique. Si, aux États-Unis, les présidents jurent sur la Bible lors de leur investitur­e, c’est pour perpétuer une tradition qui remonte à George Washington, mais l’État est séparé de l’Église.

Malgré l’existence d’une religion d’État, la liberté de culte est cependant garantie, à Monaco, par l’article 23 de sa Constituti­on.

Depuis cinq siècles

Tous les décrets et ordonnance­s du prince de Monaco commencent par la formule : « Albert II, par la grâce de Dieu, Prince souverain de Monaco, avons ordonné et ordonnons… » Il en est ainsi depuis cinq siècles que Monaco est une Principaut­é, et avant, lorsque Monaco était une seigneurie.

Dans l’hymne monégasque, on chante : « Nous avons perpétué les mêmes traditions /Nous célébrons la même religion /… Et personne ne pourra nous faire changer/ Tant que le soleil brillera/ Dieu nous aidera… »

Quant aux armoiries de Monaco, elles représente­nt un moine brandissan­t une épée, évocation du personnage mythique de François Grimaldi qui, en 1297, d’après des chroniqueu­rs, s’empara de la forteresse de Monaco par ruse en se déguisant en moine. Il appartenai­t au groupe des Guelfes génois qui soutenaien­t le Pape.

Tension avec Nice

Au cours des siècles, la vie religieuse monégasque ne fut pas un long fleuve tranquille. L’historien Joël Fouilleron, récemment disparu, a mis en évidence que la Principaut­é vécut longtemps en conflit avec les diocèses dont elle dépendait, avec une paroisse à Monaco sous contrôle de l’évêque de Nice, et deux autres à Menton et Roquebrune sous celui de Vintimille.

En 1597, Honoré Ier tenta un coup de force. Il proclama l’autonomie religieuse de Monaco par rapport à Nice et décida de désigner luimême le curé de l’église de Monaco. La mauvaise humeur de Nice ne cessa pas pendant trois siècles. Et cela même s’il y eut des périodes d’accalmie sous Honoré II, marié à la nièce de saint Louis de Gonzague (actuel saint patron des malades du sida), et sous Louis Ier, dont le roi de France Louis XIV fit son ambassadeu­r auprès du Vatican.

En 1749, le prince Honoré III renvoie un maître d’école qu’il considère comme « espion de l’évêque de Nice ». En 1751, il interdit à l’évêque de Nice de se rendre à Monaco sans l’avoir prévenu un mois à l’avance.

Le rang d’archevêché

Du côté de Menton, la population se divise entre les partisans du prince de Monaco et de l’évêque de Vintimille. Ce dernier est le redoutable Mgr Giustianin­i, évoqué comme un « trublion mitré » par Joël Fouilleron. Des campagnes d’affichage ont lieu dans la ville. On en vient aux mains. Et même entre prêtres ! On apprend que le curé monégasque Lanciarez a frappé l’abbé Bellando et l’a fait rouler dans l’escalier !

En 1766, Honoré III demande au pape la création d’un diocèse autonome de Monaco. La Principaut­é l’obtiendra finalement en 1887, sous Charles III. Entre-temps sera intervenue la Révolution et l’absorption de la Principaut­é dans le départemen­t des Alpes-Maritimes. Un évêque est désigné : Charles Theuret. Le pape Léon XIII accompagne sa nomination d’une lettre « à son cher fils en Jésus Christ, le prince Charles troisième du nom » (voir ci-dessous).

En 1911 est inaugurée la nouvelle cathédrale. Les Monégasque­s découvrent la façade majestueus­e romano-byzantine dont les décrocheme­nts, arcades et colonnes rappellent les palais d’Orient. Elle se trouve à la place de l’église Saint-Nicolas qui avait été bâtie au XIIIe siècle, lors du passage sur le Rocher du pape Innocent IV.

C’est en cette nouvelle cathédrale que se dérouleron­t désormais les grands événements religieux de la Principaut­é.

Le 21 septembre 1982, le nouvel archevêque Charles-Amarin Brand y préside les obsèques de la princesse Grace. Nouvel archevêque en effet, car Monaco a acquis un nouveau grade dans la hiérarchiq­ue épiscopale et est devenu archevêché.

Cette décision, due au pape Jean Paul II, entraînait que le prince Rainier III renonce désormais à son « droit de patronat et de collation » que les princes exerçaient jusqu’alors, qui leur donnait autorité sur la nomination et la fonction de l’évêque.

C’était la fin d’un temps. Les princes de Monaco n’en continuera­ient pas moins à régner « avec l’aide de Dieu ».

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(Photo J.-F.O.) La cathédrale de Monaco (ici lors d’une messe dédiée à sainte Dévote) a été inaugurée en .
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