Les princes gouvernent « avec l’aide de Dieu »
La célébration du 15 août est l’occasion d’évoquer l’histoire religieuse de la Principauté
Deo juvante » – « Avec l’aide de Dieu ». Telle est la devise de la Principauté. Elle orne les blasons et documents officiels. Dans son article 9, la Constitution de Monaco prévoit que « la religion catholique, apostolique et romaine, est religion d’État ».
La Principauté de Monaco est l’un des rares pays au monde à avoir une religion d’État. Comme en Argentine, pays du pape François, aux Philippines, au Costa Rica ou à Malte, cette religion est la religion catholique. Si, aux États-Unis, les présidents jurent sur la Bible lors de leur investiture, c’est pour perpétuer une tradition qui remonte à George Washington, mais l’État est séparé de l’Église.
Malgré l’existence d’une religion d’État, la liberté de culte est cependant garantie, à Monaco, par l’article 23 de sa Constitution.
Depuis cinq siècles
Tous les décrets et ordonnances du prince de Monaco commencent par la formule : « Albert II, par la grâce de Dieu, Prince souverain de Monaco, avons ordonné et ordonnons… » Il en est ainsi depuis cinq siècles que Monaco est une Principauté, et avant, lorsque Monaco était une seigneurie.
Dans l’hymne monégasque, on chante : « Nous avons perpétué les mêmes traditions /Nous célébrons la même religion /… Et personne ne pourra nous faire changer/ Tant que le soleil brillera/ Dieu nous aidera… »
Quant aux armoiries de Monaco, elles représentent un moine brandissant une épée, évocation du personnage mythique de François Grimaldi qui, en 1297, d’après des chroniqueurs, s’empara de la forteresse de Monaco par ruse en se déguisant en moine. Il appartenait au groupe des Guelfes génois qui soutenaient le Pape.
Tension avec Nice
Au cours des siècles, la vie religieuse monégasque ne fut pas un long fleuve tranquille. L’historien Joël Fouilleron, récemment disparu, a mis en évidence que la Principauté vécut longtemps en conflit avec les diocèses dont elle dépendait, avec une paroisse à Monaco sous contrôle de l’évêque de Nice, et deux autres à Menton et Roquebrune sous celui de Vintimille.
En 1597, Honoré Ier tenta un coup de force. Il proclama l’autonomie religieuse de Monaco par rapport à Nice et décida de désigner luimême le curé de l’église de Monaco. La mauvaise humeur de Nice ne cessa pas pendant trois siècles. Et cela même s’il y eut des périodes d’accalmie sous Honoré II, marié à la nièce de saint Louis de Gonzague (actuel saint patron des malades du sida), et sous Louis Ier, dont le roi de France Louis XIV fit son ambassadeur auprès du Vatican.
En 1749, le prince Honoré III renvoie un maître d’école qu’il considère comme « espion de l’évêque de Nice ». En 1751, il interdit à l’évêque de Nice de se rendre à Monaco sans l’avoir prévenu un mois à l’avance.
Le rang d’archevêché
Du côté de Menton, la population se divise entre les partisans du prince de Monaco et de l’évêque de Vintimille. Ce dernier est le redoutable Mgr Giustianini, évoqué comme un « trublion mitré » par Joël Fouilleron. Des campagnes d’affichage ont lieu dans la ville. On en vient aux mains. Et même entre prêtres ! On apprend que le curé monégasque Lanciarez a frappé l’abbé Bellando et l’a fait rouler dans l’escalier !
En 1766, Honoré III demande au pape la création d’un diocèse autonome de Monaco. La Principauté l’obtiendra finalement en 1887, sous Charles III. Entre-temps sera intervenue la Révolution et l’absorption de la Principauté dans le département des Alpes-Maritimes. Un évêque est désigné : Charles Theuret. Le pape Léon XIII accompagne sa nomination d’une lettre « à son cher fils en Jésus Christ, le prince Charles troisième du nom » (voir ci-dessous).
En 1911 est inaugurée la nouvelle cathédrale. Les Monégasques découvrent la façade majestueuse romano-byzantine dont les décrochements, arcades et colonnes rappellent les palais d’Orient. Elle se trouve à la place de l’église Saint-Nicolas qui avait été bâtie au XIIIe siècle, lors du passage sur le Rocher du pape Innocent IV.
C’est en cette nouvelle cathédrale que se dérouleront désormais les grands événements religieux de la Principauté.
Le 21 septembre 1982, le nouvel archevêque Charles-Amarin Brand y préside les obsèques de la princesse Grace. Nouvel archevêque en effet, car Monaco a acquis un nouveau grade dans la hiérarchique épiscopale et est devenu archevêché.
Cette décision, due au pape Jean Paul II, entraînait que le prince Rainier III renonce désormais à son « droit de patronat et de collation » que les princes exerçaient jusqu’alors, qui leur donnait autorité sur la nomination et la fonction de l’évêque.
C’était la fin d’un temps. Les princes de Monaco n’en continueraient pas moins à régner « avec l’aide de Dieu ».