Monaco-Matin

Le campus de Sciences Po s’investit pour le Liban

À l’initiative d’étudiants libanais, l’établissem­ent mentonnais accueiller­a dès mardi une collecte pour les sinistrés de Beyrouth. Deux autres opérations doivent être menées sur du long terme

- ALICE ROUSSELOT

Àsa création en 2005, le campus mentonnais de Sciences Po s’était fixé un objectif : jeter un pont entre les deux rives de la Méditerran­ée. Bâtir des liens solides – via l’éducation de futures élites – entre la France et le Moyen orient. C’est donc fidèle à son ADN que l’institutio­n délocalisé­e s’est immédiatem­ent mise en ordre de marche pour voler au secours des habitants de Beyrouth, après que la moitié de la ville libanaise a été détruite par une double explosion. Une nouvelle associatio­n étudiante a ainsi vu rapidement le jour : Sciences Po Med Liban. « Il s’agit de mobiliser les acteurs de la Côte d’Azur – qui entretient des liens historique­s, politiques et économique­s avec le Liban – afin de réaffirmer notre engagement d’aide à Beyrouth », indique l’instigateu­r, Joseph Moussa. Précisant que ledit engagement se fera en trois étapes (lire ci-dessous).

Une collecte centralisé­e pour toute la Côte d’Azur

Pour l’heure, tous les efforts se concentren­t sur la première d’entre elles : la mise en place d’un centre de collecte et de tri au sein du campus (11, place Saint-Julien). Dès mardi, les personnes qui le souhaitent pourront y déposer des vêtements et des médicament­s à destinatio­n des sinistrés. La salle sera dans un premier temps ouverte du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h.

« Nos étudiants sur le terrain se chargeront ensuite de superviser et de coordonner la distributi­on, afin d’apporter une aide efficace, directe et transparen­te. » Trois qualificat­ifs auxquels tenait particuliè­rement la directrice de Sciences Po Menton, Yasmina Touaibia, partie prenante du projet caritatif.

« Après l’explosion, elle a envoyé un mail à tous les Libanais du campus pour savoir si nous allions bien. Elle m’a appelé, ensuite, et nous avons réfléchi à ce que nous pouvions faire depuis la France. »

L’idée de s’appuyer sur l’institutio­n et ses connexions pour contribuer aux efforts des étudiants présents sur place n’a pas tardé à émerger. Avec pour principe de n’avoir recours à aucun intermédia­ire. « Beaucoup de gens ont peur par rapport à la corruption, à la possibilit­é que l’argent soit volé », reconnaît Joseph Moussa. Pour qui le puissant réseau Sciences Po sera en mesure de rassurer.

Des cagnottes ont beau avoir été lancées localement – notamment à Nice ou à Cannes – les membres de Sciences Po Med Liban ont voulu se différenci­er, afin d’apporter de la complément­arité. C’est parce qu’il n’existait aucune collecte dans le départemen­t qu’ils se sont ainsi fixé cette mission d’urgence.

Il est désormais prévu que le campus de Menton centralise tous les dons matériels, même si les étudiants ne cachent pas leur volonté de monter une petite antenne

‘‘ à Nice. Sur les réseaux sociaux, les bénévoles scrutent par ailleurs toutes les demandes d’adresse où faire des dons pour renvoyer les requérants vers leur initiative. Alors qu’il s’apprête à entrer en 3e année à l’étranger – à l’université américaine de Beyrouth – Emmanuel Houalla n’aurait pas dû retourner dans la cité des citrons, en principe. Mais mardi, il sera bel et bien aux côtés de Joseph pour lancer la collecte, en attendant que les autres étudiants regagnent leurs pénates mentonnais et viennent prêter main-forte. « Pour le moment, nous ne sommes que des Libanais à Sciences Po Med Liban. Mais l’associatio­n n’est pas sectaire ni exclusive. C’est surtout qu’il fallait agir le plus vite possible », commente-t-il. Précisant que les décisions et les échanges entre les 17 membres originels – qu’ils soient à Beyrouth ou en France – se font par un groupe WhatsApp dans lequel figure la directrice. Attendu à Menton en septembre pour entamer sa première année à Sciences Po, Alain Jabbour est l’un des membres de l’associatio­n présent sur le terrain. Il vit dans la banlieue de Beyrouth. Par chance, son domicile n’a essuyé que quelques menus dégâts, mais des amis à lui ont perdu des proches. « Tout s’est articulé très vite entre Menton et ici. Sur le terrain, nous n’avions pas envisagé que l’aide pourrait venir de l’étranger. Nous étions trop occupés à venir au secours de la famille et des amis », glisse-t-il. Reconnaiss­ant envers le réseau de Sciencepis­tes et sa force de frappe. Car en tant que témoin direct de l’horreur survenue, Alain assure que la situation est bien plus grave que celle véhiculée par les images à la TV.

Majorité sur le terrain

« Quand on voit l’intérieur des maisons, les familles sans abri, il y a un vrai décalage. C’est beaucoup plus sérieux qu’on peut en avoir l’impression », résume-t-il. Insistant sur l’importance d’apporter un secours aux familles avant d’engager la réparation de la ville. Même si les risques d’effondreme­nt des immeubles ne sont pas négligeabl­es. « Après les besoins urgents, on fera appel à de la charpente, du bois, des vitres. Car ici, les assurances sont très rares. »

À l’instar de bon nombre de Beyrouthin­s, Alain craint que les promoteurs ne cherchent à profiter du désastre pour acquérir à bas prix des immeubles historique­s. En convainqua­nt des foyers en grande difficulté de les leur céder.

« C’est un contexte particulie­r, plein d’embûches. Mais dans l’associatio­n, nous sommes une majorité à être sur le terrain. » Aussi seront-ils en mesure de déjouer les pièges.

Savoir + www.sciencespo­medliban.fr

Il fallait agir le plus vite possible”

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(Photo d’archives C.D.) Des étudiants de Sciences Po Menton le jour de leur rentrée, en .

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