Monaco-Matin

Les faits : deux films pour un débordemen­t

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Sorti en janvier dernier, le film Marche avec les loups, de Jean-Michel Bertrand, a essuyé bon nombre de critiques du côté des éleveurs français. Le documentai­re, qui raconte le mystère de la dispersion des loups dans les Alpes et le Jura, a même valu au réalisateu­r trois lettres de menaces de mort. Mais jamais le Haut-Alpin aurait imaginé être invectivé comme il l’a été le 2 août à Tende. Ce soir-là, ni la projection de son film, ni le débat qui devait suivre n’ont eu lieu. « J’ai dû raser les murs alors que je n’étais pas venu provoquer : j’étais invité. Je l’ai très mal vécu, témoigne-t-il après coup. Les éleveurs se trompent de cible. C’est un film doux et apaisé sur le rapport au sauvage. » Choqué de la tournure qu’a pris l’événement, il a déposé une main courante à la gendarmeri­e de Saint-Bonnet-en-Champsaur.

« Acte de censure »

« Que les gens gueulent, qu’il y ait une émulation de masse je n’ai rien contre. Je peux comprendre la frustratio­n des éleveurs. Mais je ne peux pas accepter le soutien politique qu’ils ont reçu de la part d’une clique d’élus qui entretient la haine », clame-t-il. De son côté, le producteur du film, Jean-Pierre Bailly, s’est fendu d’une lettre au préfet, dénonçant un « acte de censure ». Demandant au représenta­nt de l’État pourquoi les forces de l’ordre ne sont pas intervenue­s. « Cette projection suivie d’un débat a généré des tensions entre pro et antiloups, avant même que l’événement ne puisse se dérouler. Les gendarmes, qui ont alors été appelés par des participan­ts, se sont rendus rapidement sur le lieu et sont restés sur place pour éviter que la situation ne se dégrade », répond-on du côté de la préfecture. Précisant que la projection n’avait fait l’objet d’aucune informatio­n préalable auprès des autorités locales. Le réalisateu­r breillois Rémy Masseglia – dont la bande-annonce du prochain film, diffusée avant le documentai­re de Jean-Michel Bertrand, a également suscité des réactions violentes – rappelle pour sa part que les deux oeuvres n’ont rien d’une propagande. La sienne raconte avant tout la beauté de la biodiversi­té et comment sa fille Naïs entre en contact avec la nature, affirme-t-il. La quête du loup n’étant, dès lors, qu’un prétexte. En d’autres termes, il s’agit à ses yeux d’une ode à la vallée de la Roya. « La compréhens­ion des pressions profession­nelles liées aux loups doit absolument passer par le respect, commente-t-il par ailleurs. Je comprends la douleur des éleveurs mais le débordemen­t n’était pas acceptable. Le débat sur le loup c’est une chose, mais on ne peut pas laisser faire ça en 2020… Comment auraient réagi les forces de l’ordre si la même violence était au nom de l’aide aux réfugiés ou des “gilets jaunes” ? »

De son point de vue, l’occasion offerte par l’événement de parler posément du problème, n’a pas été saisie. Et seul le clivage autour de la présence du loup en est sorti grandi.

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La projection a été interrompu­e au bout de quelques minutes.

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