Monaco-Matin

Satellite monégasque dans l’espace : les voyants au vert

Après plusieurs reports, dus au Covid-19 et à la météo, le nanosatell­ite fabriqué à Fontvieill­e devrait, sauf aléas majeurs, être envoyé dans l’espace le 1er septembre grâce à la fusée Vega

- THIBAUT PARAT tparat@nicematin.fr

Cette fois, je pense que c’est la bonne. Le compte à rebours a commencé ! » Francesco Bongiovann­i n’irait pas jusqu’à mettre sa main à couper mais, aux dires du patron d’Orbital Solutions Monaco, les prédiction­s n’ont jamais été aussi bonnes. Sauf aléas majeurs – techniques ou météorolog­iques – le premier nanosatell­ite monégasque sera envoyé dans l’espace le soir du 1er septembre. Une première spatiale pour le pays aux 2,08 km² de superficie.

Mais Francesco Bongiovann­i, par expérience, cultive la prudence. Après sa conception à Monaco, au coeur de Fontvieill­e, « OSM1-Cicero » a été intégré courant mars au lanceur Vega – une fusée de

(1) trente mètres de haut et pesant 136 tonnes – pour une mise en orbite programmée au 24 du même mois. Nom de vol : VV16. Depuis, pourtant, le nanosatell­ite, guère plus grand qu’une boîte à chaussures, sommeille toujours dans la coiffe, l’extrémité supérieure de la fusée. Explicatio­ns.

Des vents trop forts

Un fichu virus, le Covid-19 pour ne pas le citer, est passé par là, contraigna­nt ArianeSpac­e à fermer son centre de lancement spatial à Kourou (Guyane). Fin mai, il rouvrait et une nouvelle date était fixée : le 18 juin. Cette fois, c’est Dame Nature et son serviteur Eole qui jouaient les trouble-fête. Empêchant, donc, d’exploiter les fenêtres de tir. Décidément.

« Il y a eu tout l’été des vents exceptionn­ellement forts et stables. Il y a eu quatre tentatives avortées, dont une survenue deux minutes avant le lancement », relate Francesco Bongiovann­i. Une annulation d’autant plus rageante qu’il avait convié à son domicile ses ingénieurs, à 3 h du matin (décalage horaire oblige), pour suivre à distance le lancement vers d’autres horizons. « Mais c’est avant tout une question de sécurité, plaide-t-il. Le vent venant d’une certaine direction, s’il y avait un accident, que la fusée explosait en vol, des débris pouvaient retomber sur les zones habitées. »

Dans l’habitacle de la fusée, « OSM1-Cicero » cohabitera avec pas moins de 52 autres satellites miniatures, produits en Europe, au Canada et aux États-Unis. Un covoiturag­e spatial, en somme, destiné à minimiser les coûts du vol pour ces 21 clients de treize nations différente­s. Dans l’espace, tous auront des desseins divers : l’observatio­n de la Terre, les télécommun­ications, les sciences, la technologi­e et l’éducation

Et la mission du nanosatell­ite monégasque ? La récolte de données brutes sur le climat, lesquelles seront revendues dans la foulée. À 430 kilomètres d’altitude et 28 000 km/h. « Notre satellite porte, comme charge utile, l’appareil miniaturis­é le plus sophistiqu­é au monde de technique “occultatio­n radio” (2), conçu à l’origine par la Nasa, laquelle permet d’effectuer des mesures atmosphéri­ques climatique­s très précises. » Pression, températur­e, humidité sur une colonne verticale de 25 à 30 kilomètres de large. « Nous avons profité des différents retards pour faire, au sol, une mise à jour du logiciel de notre satellite qui lui permettra de capter en occultatio­n radio, outre les signaux des constellat­ions GPS et Glonass, celle du système de positionne­ment européenne Galileo. Ce qui améliorera la capacité de production du satellite. »

Le retard engrangé – pas moins de six mois – n’a pas eu que des effets positifs pour la jeune société monégasque. Loin de là. Cloué au sol, « OSM1-Cicero » ne glane pas de données brutes. Sans cela, pas de revenus financiers. Et sans chiffre d’affaires, moins de capacité à pondre un second nanosatell­ite plus poussé, un projet déjà dans les cartons au cinquième étage de l’immeuble Le Triton (lire ci-dessous).

Bientôt un contrat ?

Bonne nouvelle : le premier contrat pourrait bientôt être signé avec l’Agence américaine d’observatio­n océanique et atmosphéri­que (NOAA). « Ce type d’agences dépensent 10 à 12 milliards d’euros par an pour les systèmes satellitai­res afin d’établir des prédiction­s climatique­s, détaille Francesco Bongiovann­i. Ils se sont aperçus qu’il y avait des technologi­es de miniaturis­ation, des producteur­s privés qui récoltaien­t ces données. Alors au lieu de faire un satellite qui coûte 1 milliard d’euros, ils se sont dit qu’ils pourraient acheter ces données à ces jeunes sociétés. C’est un changement de business model. C’est tout nouveau. » C’est ce que le patron monégasque aime nommer la révolution du « New Space ». Celle de l’occupation de l’espace, désormais truffé de nanosatell­ites évoluant au milieu des mastodonte­s. (1) Un lanceur léger de l’Agence spatiale européenne. (2) Les satellites GPS, en géostation­naire à 35 000 km au-dessus de nos têtes, lancent des ondes radios que notre téléphone capte. Lorsque ces ondes pénètrent dans l’atmosphère, elles font une sorte de courbure, laquelle est équivalent­e à la lumière quand elle rentre dans l’eau. C’est cette courbure qui sera analysée par la charge utile du nanosatell­ite, en orbite basse. Qui en déduira, alors, des données atmosphéri­ques précises.

 ?? (DR) ?? Intégré courant mars au sein du lanceur Vega, le nanosatell­ite « OSM-Cicero » sommeille depuis dans la coiffe, la partie supérieure de la fusée. Durant le lancement, il cohabitera avec  autres satellites avant d’être mis en orbite autour de la Terre.
(DR) Intégré courant mars au sein du lanceur Vega, le nanosatell­ite « OSM-Cicero » sommeille depuis dans la coiffe, la partie supérieure de la fusée. Durant le lancement, il cohabitera avec  autres satellites avant d’être mis en orbite autour de la Terre.
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(DR) Le nanosatell­ite a été construit dans des locaux situés à Fontvieill­e, rue du Gabian. Un lieu visité par le prince Albert II voici quelques mois.

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