Monaco-Matin

« On a décidé de replanter au début des années 90. »

- CHRISTIAN HUAULT chuault@nicematin.fr

Goûtez-le, c’est une merveille. » Le soleil tape déjà fort en ce début de matinée sur les vignes de Saint-Honorat, mais frère Marie n’en a cure. Heureux au milieu des siens – ses frères moines cistercien­s et les bénévoles venus en renfort pour les vendanges –, il a troqué sa robe de bure contre un short et des pataugas. Et désigne dans un grand sourire la magnifique grappe de raisin blanc qui s’offre à nous. Du rolle. La nouveauté de l’année sur l’île. Un cépage blanc appelé vermentino en Italie, «un vrai cépage méditerran­éen qui s’accommode parfaiteme­nt des climats chauds et des sols secs. Il devrait bien se plaire chez nous », s’enthousias­me le moine.

Tradition séculaire

Planté il y a quatre ans sur une parcelle d’un demi-hectare, le divin rolle en est donc à sa première récolte. Il n’aura pour autant pas encore le droit à sa cuvée spéciale. « On devrait en produire une quinzaine d’hectolitre­s cette année, mais on en fera de l’assemblage, il faudra attendre un peu pour le produire en monocépage », ajoute en connaisseu­r frère Marie, arrivé il y a 33 ans au monastère de Lérins, superviseu­r depuis 2015 de l’activité viticole pour la communauté.

Après la parcelle de rolle, le moine nous emmène à la découverte des autres richesses des 8,5 hectares de pieds de vignes que compte l’île Saint-Honorat. Au gré du rythme des récoltes. « D’abord le pinot noir, puis le chardonnay, les syrahs et en dernier le mourvèdre» , confie notre guide. Les cépages s’enchaînent, montrant tout le chemin parcouru depuis les années 90 et le renouveau d’une tradition séculaire à Lérins. « Les anciens ne plantaient que de la clairette [un cépage blanc, ndlr], rappelle frère Marie. Dans les années 70, ils ont peu à peu tout arraché, si bien qu’à la fin des années 80, il ne leur restait plus qu’un hectare et demi de vignes qu’ils utilisaien­t pour leur seule consommati­on et le vin de messe. On a décidé de replanter au début des années 90, en 1994 précisémen­t. » Depuis, l’histoire est belle. Très belle même. Bénéfician­t d’un microclima­t insulaire avec des étés très secs et des hivers très doux, mais aussi des bienfaits de la brise et des embruns, la vigne des moines s’épanouit à merveille, offrant au raisin ce qu’il faut d’acidité grâce à l’air marin qui s’y dépose.

« Et puis nous avons aussi la chance d’avoir des sols très argilocalc­aires, avec du limon et du sable mélangé, très riche en apport organique et végétal », poursuit frère Marie.

Les vendanges ont, cette année encore, commencé très tôt. Dès la mi-août. Et la récolte semble prometteus­e. 35 000 bouteilles qui sortiront des caves ultra-modernes de l’abbaye où nous entraîne le religieux.

Temps de prières

Pas troublé pour un sou lorsqu’on évoque le côté « business » de ce vin divin que certains ont longtemps jugé comme peu compatible avec une pratique ecclésiast­ique. « D’abord, bénévoles, retraitant­s et salariés s’adaptent à nos temps de prière, même si ce n’est pas facile, sourit-il. Mais vous avez raison, il y a quelques années, nous avons peut-être été un peu pris à notre propre jeu et nous avons du coup ralenti le côté trop commercial de notre activité. »

Moins de relations publiques et plus de terroir, donc. Mais qu’on se rassure, les ventes des vins de Saint-Honorat sont toujours aussi florissant­es (10 % à l’export) et la renommée des cuvées des moines toujours aussi bonne. Alléluia !

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