Les Ézasques veulent garder l’accès aux rochers
Les riverains de la plage de Saint-Laurent-d’Èze s’élèvent contre la destruction – légale – de marches qui permettaient d’accéder à des rochers et à un bout du sentier du littoral selon eux
Depuis mardi matin, le bruit des marteaux-piqueurs résonne dans le silence d’un petit coin de paradis à Èze. Lentement mais sûrement, les engins grignotent les marches qui permettaient de monter sur les rochers de la plage de Saint-Laurentd’Èze. Des gros blocs situés du côté est de l’anse, où riverains et estivants prenaient plaisir à sauter dans une eau turquoise. Une tradition depuis des dizaines d’années. Alors, cette démolition hérisse et attriste les Ézasques, notamment les adhérents du comité de quartier SLE (pour Saint-Laurent-d’Èze). Ils ont lancé une pétition en ligne intitulée « Non à la démolition du sentier du littoral ». Adressée à la ministre de l’Environnement et à la préfecture des Alpes-Maritimes, elle a recueilli en une semaine plus de 3 300 signatures, « sans compter les 500 signatures sur papier », ajoute Dany Scatena, présidente de l’association SLE et initiatrice de la contestation. Une riveraine, pas va-t’en guerre, mesurée, mais avide de comprendre pourquoi et comment cette destruction a été autorisée.
Sentier du littoral… ou pas ?
Le 18 février, le propriétaire de la villa baptisée Roc Saint-Laurent qui jouxte les rochers a déposé un permis de démolir à la mairie d’Èze. Le permis concerne les marches, la plateforme et le ponton. Selon une source proche du dossier, c’est la direction départementale des Territoires et de la mer (DDTM) des Alpes-Maritimes, qui aurait demandé au propriétaire (qui possède le bien seulement depuis 2015, un prédécesseur avait réalisé ces aménagements) d’effectuer ces démolitions et donc de déposer le permis. Les services de l’État, contactés hier matin, n’avaient, hier soir, pas encore donné suite à nos sollicitations.
Le 19 mai, stupeur des riverains : les travaux commencent. Branlebas de combat, police et gendarmerie alertées, car le permis n’est pas encore accepté. « Le maire, Stéphane Cherki, a fait stopper les travaux », rapporte un riverain. Mais c’était reculer pour mieux marteau-piquer. Le 4 août, le permis est accordé et les riverains déposent des recours gracieux en préfecture. La DDTM répond qu’elle va « procéder à un examen attentif » de la requête. Puis ? Plus rien. Jusqu’à mardi matin, où les ouvriers ont donc attaqué les travaux. « Ils sont en train de saccager le sentier du littoral, s’indigne une habitante. C’est notre patrimoine. » Et si ce n’était pas si simple ? Un porte-parole de la mairie d’Èze assure : « En fait, en mairie, nous avons appelé cet endroit sentier du littoral, mais c’est un abus de langage, ce n’est pas un morceau du sentier du littoral. » C’est aussi comme cela que le dénomment, pourtant, les services de l’État dans les courriers. Le hiérarque municipal renchérit : « On est sur du domaine public maritime, mais le propriétaire de la villa paie une redevance à l’État tous les ans, donc il est responsable de l’aménagement. »
Poubelles et sécurité
Un aménagement qui avait bien d’autres avantages que le simple fait de pouvoir sauter dans la Grande bleue. « C’est par le ponton que le Zodiac de la ville vient récupérer les poubelles installées sur la plage », raconte Dany Scatena. Une plage plutôt difficile d’accès à pied. « C’est vrai, le Zodiac du nettoiement allait jusqu’au ponton, les agents passaient par le chemin et descendaient par les marches jusqu’à la plage pour récupérer les poubelles », admet le porte-parole de la mairie. Deux solutions s’offrent à la Ville : supprimer les poubelles et compter sur le civisme des gens qui remonteront leurs déchets, ou faire arriver le canot au plus près de la plage, ce qui paraît fort peu probable.
Le flou total
Et puis, il y a le problème de la sécurité. « Les jeunes vont continuer à essayer de grimper sur les rochers et ce sera dangereux », s’inquiètent les riverains. La Ville en a conscience. Sur le plan local d’urbanisme métropolitain, comme sur le précédent PLU existe une servitude de passage. « Nous allons étudier la possibilité de faire un arrêté municipal pour interdire l’accès à cet endroit », prévient la mairie. En attendant, les riverains ont un goût amer. Et surtout, aucune certitude. Certains restent persuadés que c’est un bout du sentier du littoral construit il y a des centaines d’années qui est saccagé. ils ont aussi quelques soupçons. «Il y a deux ans, le propriétaire avait tenté de bloquer le passage au public en faisant installer une baie vitrée sur la partie plate. La mairie l’avait fait enlever à l’époque. Il veut peut-être privatiser cet endroit », grimace un riverain.