Monaco-Matin

Un magistrat en charge de la révolution numérique

Nommé par ordonnance souveraine du 28 août, Richard Dubant, ancien militaire et magistrat, a reçu pour mission de mener la révolution numérique de la Justice monégasque. Et pas que...

- Propos recueillis par Thomas MICHEL tmichel@nicematin.fr

Monaco tient son nouveau « Monsieur Numérique » dans le domaine de la justice en la personne de Richard Dubant, qui a hérité du poste de conseiller auprès du directeur des Services judiciaire­s. Un poste vacant depuis le départ de Philippe Narmino, que l’actuel directeur des Services judiciaire­s, Robert Gelli, avait gardé sous le coude « avec l’idée de (s)’appuyer dessus ».

En poste depuis le 1er septembre sur le Rocher, Richard Dubant était auparavant avocat général près la Cour d’appel d’Aix-enProvence. Dernière ligne d’un CV (lire ci-contre) marqué par un long engagement dans l’Armée de l’air et une mission d’ampleur au ministère de la Justice française comme architecte de la Plateforme nationale des intercepti­ons judiciaire­s (PNIJ). Un bunker créé en 2005 pour centralise­r les écoutes téléphoniq­ues qui peine à monter en puissance.

Derrière cette nomination, la volonté de Robert Gelli « de montrer que la justice monégasque se modernise, avance tout en respectant son indépendan­ce, son statut à part » . Le directeur des Services judiciaire­s, désormais Secrétaire d’État à la justice, détaille les autres missions conférées à Richard Dubant et l’éthique qu’il conviendra d’accoler à un développem­ent numérique déjà au coeur de la politique gouverneme­ntale.

Quelles sont les missions de votre nouveau conseiller ?

La grande mission première, c’est la modernisat­ion de l’institutio­n, notamment sur le volet informatiq­ue. Il faut qu’on franchisse un cap avec un véritable plan stratégiqu­e informatiq­ue sur deux ou cinq ans, nous verrons. Avec le développem­ent à la fois des structures, de la communicat­ion électroniq­ue, de la dématérial­isation au sens large avec les questions de sécurité numérique, de veille sécuritair­e informatiq­ue, etc.

Les missions de M. Dubant ne se cantonnero­nt pas au numérique…

Le deuxième objectif était d’avoir quelqu’un pour m’aider et m’accompagne­r sur les questions de politique pénale au sens large, en lien avec le Parquet général, car il est important que le directeur des Services judiciaire­s ait un vrai rôle actif en la matière et puisse donner des orientatio­ns. Je le faisais quand j’étais directeur des peines et des grâces sur la base de circulaire­s d’orientatio­n et également d’interpréta­tion des dispositio­ns.

Le troisième volet, c’est aussi la dimension institutio­nnelle, celle de la place de la Direction des Services judiciaire­s dans le concert juridique et internatio­nal. Avec l’idée que j’ai d’organiser des colloques, des séminaires, des rencontres à Monaco. Avoir une réflexion de fond et des prospectiv­es sur ce point-là.

Vous avez choisi Richard Dubant. Pourquoi est-ce le profil idoine ?

Richard, que j’ai fait venir, a été pendant pas mal de temps au Secrétaria­t général du ministère de la Justice et, entre autres, il a conçu, suivi, monté, réalisé, la Plateforme nationale des intercepti­ons judiciaire­s (PNIJ), qui a été un très gros chantier puisque toutes les écoutes téléphoniq­ues ont été centralisé­es sur une plateforme qui est aujourd’hui gérée par Thalès.

M. Dubant qui a la particular­ité d’avoir exercé vingt ans dans l’Armée de l’air avant de devenir magistrat…

Oui, et il connaît toutes les questions relatives à la sécurité, notamment informatiq­ue et numérique. Il était habilité secretdéfe­nse, ce qui permet aussi de concevoir la question de la sécurité informatiq­ue dans un ensemble plus vaste qui est celui de l’État de la Principaut­é.

Un vaste projet de transition numérique est déjà au coeur de la politique du gouverneme­nt princier, quelles seront les passerelle­s ?

Le but est de s’inscrire dans l’évolution numérique du gouverneme­nt et dans les systèmes mis en place avec l’Agence monégasque de sécurité numérique (AMSN), tout en

veillant bien entendu à préserver la confidenti­alité des informatio­ns et l’indépendan­ce de la justice. Nous devons à la fois profiter de l’expertise, de la compétence, du profession­nalisme et des moyens des structures gouverneme­ntales nationales, tout en étant vigilant à la préservati­on de la confidenti­alité des données. Richard a parfaiteme­nt le profil puisqu’il a à la fois ce regard culturel des services de sécurité – qui sont souvent soumis à des questions de confidenti­alité et de secret – et, en même temps, il a monté un immense projet en France sur la PNIJ et il est magistrat. Il était d’ailleurs avec moi en dernier lieu au Parquet général d’Aix-en-Provence et je l’ai connu à la Chanceller­ie.

S’est-il montré enthousias­te à l’idée de rejoindre Monaco ?

Oui, surtout sur le projet. C’est une commande, une vraie mission sur un sujet auquel il est sensible.

Vous-même, êtes-vous à l’aise avec la matière numérique ?

Je ne suis pas un grand spécialist­e [rires]. Par contre j’y suis sensible, parce que je suis convaincu qu’il faut qu’on y passe. C’est dans l’ère du temps et c’est un facteur de facilitati­on et de progrès. Mais il faut le faire en ayant bien en tête les spécificit­és de la justice, qui n’est pas un service administra­tif comme un autre. Il y a à la fois des contenus, de la procédure, des rapports aux justiciabl­es, ce n’est pas seulement des envois de mail, il y a une dimension humaine de la justice qui est essentiell­e.

Vos équipes sont-elles prêtes à opérer cette bascule en interne ?

Il y a un travail important à faire de sensibilis­ation, notamment visà-vis des magistrats et fonctionna­ires. Rassurer aussi sur la finalité, qui n’est pas de mettre en place un système qui réduirait l’indépendan­ce ou la marge d’autonomie du monde judiciaire. Le fait que la personne qui est en charge auprès de moi de cette évolution, voire révolution, soit magistrat, est un signe important.

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La justice n’est pas un service administra­tif comme un autre ”

Envisagez-vous de lui apporter des renforts dans sa mission ?

Pour l’instant non. Ce que je lui ai demandé dans un premier temps c’est de faire un état des lieux, un constat, des propositio­ns, des prospectiv­es.

Nous avons déjà deux informatic­iens attachés à la Direction des Services judiciaire­s, là ça va donner une dimension supérieure. L’idée est surtout de tirer profit de ce qui existe au niveau gouverneme­ntal. Après on verra comment on articule tout ça.

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La dimension humaine de la justice est essentiell­e ”

 ?? (Photo J.-F. O.) ?? Le directeur des Services judiciaire­s, Robert Gelli, veut « franchir un cap » numérique.
(Photo J.-F. O.) Le directeur des Services judiciaire­s, Robert Gelli, veut « franchir un cap » numérique.

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