L’union est une chimère
Jean-Luc Mélenchon se rêve en « candidat commun » de la gauche. Yannick Jadot veut recomposer la gauche autour de l’écologie. Pour François Hollande, le PS a « le devoir » de redevenir « la grande force centrale » à gauche. Trois stratégies, trois projets. Convergents ? En apparence. En fait incompatibles, et qui disent le caractère utopique de l’entreprise. Il n’y a guère que Lionel Jospin, analysant les années avec un logiciel des années où se mêlent nostalgie de la « gauche plurielle » et rumination de son propre échec de , pour croire encore possible de réaliser dans l’ordre politique ce que le christianisme a accompli dans l’ordre théologique : réunir trois en un. Certes, l’intérêt électoral y pousse. Et puissamment. C’est la condition pour espérer accéder au second tour en . Aujourd’hui, dans les sondages de er tour, le total Mélenchon + Jadot + Faure tourne autour des à %. C’est peu ou prou le niveau de la barre de qualification. Mais au-delà même des rivalités d’égos et d’appareils (« tous ensemble, d’accord, mais moi devant »), il faudrait une véritable refondation intellectuelle pour réunir autour d’un projet de gouvernement crédible trois formations qui n’ont plus guère en commun que la dénonciation incantatoire du « néolibéralisme » – dans un pays champion des prélèvements et de la dépense publique. Et dont le gouvernement mène face à la crise de la Covid-, « quoi qu’il en coûte », une politique évidemment, massivement, délibérément keynésienne et colbertiste. Pour réunir la gauche dès le premier tour, faudrait-il encore que cela existe
« la » gauche (on pourrait dire à peu près la même chose de « la » droite). Entendons-nous. Pour des millions de gens, cela veut dire beaucoup : un corps de valeurs, un idéal, une nostalgie, une déception, une espérance, c’est selon. Mais pour l’heure, sans préjuger de l’avenir, ce n’est plus un concept politique opératoire. La France Insoumise est un parti révolutionnaire d’un type particulier, cocktail de trotskisme, de bolivarisme, de populisme et de souverainisme, dont le programme signerait la rupture avec l’Union européenne et l’Allemagne. EELV, dans son noyau dur – dont Jadot n’est pas –, un parti rouge-vert dont le projet antiproductiviste et anticonsumériste, mêlé de défiance envers la science et le progrès technologique, entraînerait une régression économique dont nous avons aujourd’hui l’amer avantgoût. Reste le PS, l’ex « premier parti de France », essoré par l’exercice du pouvoir, social-démocrate du bout des lèvres à défaut – horreur ! – de s’avouer social-libéral, héritier d’un socialisme à la française qui n’a pas eu le courage de mener à terme son aggiornamento idéologique. Parti usé, fatigué. Au point de renoncer à concourir en ? Accepter de
« Réunir la gauche dès le premier tour, faudrait-il encore que cela existe
« la » gauche »
se rallier, se vassaliser, se résigner à n’être qu’une force d’appoint ? La tentation existe. Le premier secrétaire l’incarne. C’est contre cette tentation que se sont insurgés Hollande et les gardiens de la « vieille maison ». C’est pour ouvrir une alternative intellectuelle que Laurent Joffrin a créé son mouvement Engagé.e.s. Convaincus, les uns et les autres, qu’il reste un espace entre le macronisme et l’extrême-gauche pour une gauche de gouvernement, pro-européenne, capable de conjuguer économie de marché, écologie et justice sociale. Trois familles. Trois façons d’être de gauche. Sans compter celle, avec Jean-Yves Le Drian, qui considère que la promesse de la gauche, c’est désormais le progressisme macronien qui la porte.
Il faudrait bien plus qu’un replâtrage électoraliste pour les réconcilier.
L’union est un combat, disait-on jadis. Aujourd’hui, c’est une chimère.