Freefly : « des sentiments de liberté et de puissance »
Champions du monde en 2018, les Grégory Crozier et Karine Joly empilent les titres depuis dix ans dans cette discipline artistique dérivée du parachutisme sportif. Découverte
Tous les champions du monde ne sont pas des stars. Comme l’équipe de France de football masculine, Gregory Crozier a été titré en 2018, mais il ne peut que le constater : « Personne ne nous connaît ! » Et pourtant, voilà dix ans qu’avec sa compagne, Karine Joly, et leur vidéoman, Baptiste Welsch, les Niçois empilent les titres dans un sport spectaculaire, le freefly. « Avec le freestyle, ce sont les deux disciplines de parachutisme artistique les plus récentes, déroule-t-il. Elles explosent, comme le snow à une certaine époque. C’est un vol en trois dimensions, pas juste à plat ventre. Il y a dix fois plus de plaisir. » L’exercice : trente minutes, vol compris. Un saut à 4 000 mètres d’altitude, une chute libre sur 3 000 mètres, qui dure quarantecinq secondes et pendant laquelle on déroule et on filme la chorégraphie, avant d’ouvrir le parachute.
« Transformer son corps en avion »
Alors qu’au freestyle, il n’y a qu’un performeur en plus du vidéaste, le freefly en a deux. Ce qui veut dire, du travail. Beaucoup de travail. « Ce n’est pas la même chose, poursuit le Niçois âgé, comme sa compagne, de 39 ans. Le freestyle est plus rythmé car il y a beaucoup plus de mouvements. Nous, on a un travail de synchronisation. Ce sont des années et des années de répétition. Pour participer aux championnats du monde, il faut au moins trois ans de travail, à raison de 300 à 400 sauts par an. Au minimum ! Et pour les gagner, il nous a fallu dix ans et 2 800 sauts. »
Née au début des années 1990, la discipline rattachée à la Fédération française de parachutisme a explosé au tournant des années 2000, avec le développement des souffleries, qui permettent de s’entraîner en intérieur, plus longtemps et sans le stress du déclenchement du parachute.
Il y a dix ans aussi que Karine et
Greg, aujourd’hui licenciés au Cercle parachutisme de Nice, se sont pris de passion pour l’exercice. « On a chacun notre façon de l’appréhender, détaille Grégory. Karine adore le sentiment de liberté, de voler en trois dimensions, le fait de ne plus être soumis à un appui sur le sol. Moi, c’est plus pour le sentiment de puissance. Monter et descendre vite, transformer son corps en avion. »
« Ce sport est cher, mais il n’y a pas d’argent »
Mais cette passion a un coût : une formation à 1 200 euros, puis des sauts à 25 euros l’unité. Sans compter le matériel, ou les déplacements. C’était d’ailleurs ce qui effrayait Greg, alors skipper dans la marine marchande, et Karine, designer, avant de tenter de devenir pro. D’autant que les sponsors ne courent pas les rues : « Paradoxalement, ce sport coûte très cher, mais il n’y a pas beaucoup d’argent. » Ils sont progressivement devenus moniteurs, ce qui leur a permis de baigner dans la discipline. Leur notoriété s’est élargie au rythme de leur palmarès. Leur titre de champions du monde leur permet d’être invités à des événements prestigieux, comme pour l’inauguration de la plus grande soufflerie du monde, à Abou Dabi. Et puis, le coronavirus est passé par là aussi. Bien que le sport ait pu reprendre, toutes les dates de stages et invitations ont été annulées. « On est obligés de faire des dates plus nationales, mais c’est du bricolage », reconnaît-il. Mais une bonne nouvelle vient de tomber. La fédération égyptienne les invite à sauter au-dessus des pyramides, « pour promouvoir le parachutisme civil, encore interdit là-bas », mais l’événement avait été suspendu. Il aura bien lieu, en novembre.